Francine Muel-Dreyfus est une historienne contemporaine, Chef de travaux au Centre de sociologie de l’éducation et de la culture de l’École des hautes études en sciences sociales qui axe principalement son travail autour des problématiques d’éducation. Au travers de cet ouvrage publié en 1996, elle réalise une analyse du régime de Vichy sous l’angle de la division sexuelle du monde social, en détaillant par ailleurs les évènements antérieurs qui ont amené cette politique à trouver une certaine légitimité dans un contexte de Seconde Guerre mondiale. En outre, elle y analyse l’étude des logiques sociales ayant permis la production du mythe de « l’éternel féminin » qui explose dans les années 40. Pour ce faire, elle propose une démonstration en trois grandes parties pour étayer son propos.
En premier lieu, l’historienne met en exergue les principales raisons de la mise en place d’une politique genrée par le régime de Vichy, restrictive et orientée pour les femmes. Ensuite, elle souligne dans quelle mesure ces nouvelles situations féminines ont été pointées du doigt et pour lesquelles la notion de sacrifice est évoquée : les femmes doivent se sacrifier d’une manière ou d’une autre pour que la société soit fonctionnelle. Enfin, l’historienne avance la thèse du parallèle entre ordre biologique et ordre social, et en outre le concept de prédestination sexuelle et sociale allant de pair avec le contrôle des corps.
Dans cette démonstration, Francine Muel-Dreyfus met en lumière les mécanismes politiques et religieux ayant émergé dans un contexte de guerre soutenant la division sexuelle du monde social est une résurgence du mythe de l’Eternel féminin.
L’idéal féminin est un concept qui a évolué en fonction des époques, des mœurs et du contexte social associé aux critères évoqués. Par le biais de cet ouvrage, l’historienne expose son travail quant à la perception de la femme et de sa place dans la société Vichyssoise qui tend vers un conservatisme forcé.
En effet, elle explique cette conception de cette période par le fait que dans des moments de défaite militaire lourde (elle cite par ailleurs 1870 en comparatif à la Seconde Guerre mondiale), le contexte politique permet le développement d’un sentiment de « mea culpa » collectif, spécifiquement axé sur la condition de la femme , alimenté par ce que l’historienne appelle « la culture du sacrifice ». Ce concept repose principalement sur la dénonciation de la culpabilité féminine dans des expressions diverses : religieuses, littéraires, médicales et politiques, par le biais desquelles les traditions conservatrices expriment la responsabilité des femmes au cœur des fautes sociales ayant occasionné le « déclin français ». La défaite de 1940 est par ailleurs justifiée en partie par une perte de l’ordre social qui expliquerait que la société ne fonctionne plus « comme le devrait ». La place de la femme a en effet évolué au cours des décennies précédent le conflit : elles travaillent de plus en plus, notamment à la suite des dispositions prises durant le premier conflit mondial occasionnant un besoin de main d’œuvre accru pendant que les hommes étaient au front. Certaines femmes vivent par ailleurs en concubinage et n’entrent pas dans le cercle religieux du mariage et des enfants ce qui, pour un conservatisme grandissant, est inacceptable.
Ensuite, Francine Muel-Dreyfus met en exergue les moyens par lesquels la notion de sacrifice est communiquée : les femmes doivent se sacrifier d’une manière ou d’une autre pour que la société soit fonctionnelle, et le message doit infuser la société tout entière. C’est une notion de défense des intérêts collectifs (matériels, symboliques, éthiques, esthétiques etc.) qui est mise en avant et qui transparaît au moyen de concepts qui se traduisent dans les principales institutions de la société à divers niveaux : politiques, culturels et sociaux. L’historienne a axé sa démonstration sur trois institutions qui poussent la division sexuelle à leur paroxysme en prônant un ordre social sexué : l’ Église, la médecine et l’école. Ces trois institutions ont par ailleurs permis, d’après l’historienne, une éclosion des idées familiales et natalistes appuyées par des idées démographiques en lien avec le constat de la baisse de natalité faisant suite au premier conflit mondial. D’après l’historienne, ces trois institutions alimentent la «Révolution nationale» orchestrée par le régime vichyssois en diffusant les théories natalistes et familiales, appuyées par des concepts juridiques et démographiques. Les entités gouvernantes visent en effet un changement profond des mœurs, qui seul permettrait un retour à l’ordre social.
L’historienne avance la thèse du parallèle entre ordre biologique et ordre social, et évoque en outre le concept de prédestination sexuelle et sociale allant de pair avec le contrôle des corps. La “Révolution Nationale” organise un retour aux valeurs conservatrices de la société française, qui s’oppose en quelque sorte à certains principes de la Révolution de 1789 : laïcité, école gratuite, exode rural massif qui repeuple les villes, concentrations ouvrières. En outre, ces valeurs s’opposent également aux principes des années trente où les femmes ont pu voir leurs droits et leurs conditions sociales évoluer fortement. En effet, En effet, à la suite de la Première Guerre mondiale, celles-ci ont vu leur incursion dans le monde professionnel salarié quelque peu légitimé et leur place dans la société a cessé d’être invisibilisée. Par ailleurs, la diffusion de concepts culturels par le biais de médias (presse, cinéma, radio), a permis l’accès à une diversification des usages de consommation culturelle, vestimentaire et de pensée permettant une certaine émancipation. Cette émancipation est bien la raison invoquée par certaines institutions conservatrices pour expliquer la « déchéance » pour expliquer la « déchéance » de la société française et la justification d’un « retour à l’ordre » comme nous l’avons exprimé en amont.
Néanmoins, elle met en lumière le fait que les années 30 et pendant la Seconde Guerre Mondiale, le propos est à nuancer, car la période a vu apparaître de grandes avancées scolaires et professionnelles pour les femmes (augmentation de la présence féminine dans les institutions d’éducation supérieure, ouverture de certains métiers aux femmes etc.).
Mylène Boutonnet-Tranier
Etudiante en Master 2 – Sociétés modernes et contemporaines dans la mondialisation
Mémoire de Recherche en histoire contemporaine sous la direction de Laure Machu
OpenEdition vous propose de citer ce billet de la manière suivante :
mariesacareau (15 décembre 2024). MYLÈNE BOUTONNET-TRANIER. COMPTE RENDU DE LECTURE : VICHY ET L’ÉTERNEL FÉMININ . Master Histoire de Nanterre. Consulté le 15 novembre 2025 à l’adresse https://doi.org/10.58079/12xf5