Le Musée Historique de l’Amitié Franco-Chinoise est un musée consacré aux personnalités politiques chinoises présentes en France dans les années 1920, narrant le lien d’amitié entre des étudiants chinois et Montargis. Le musée est situé dans la ville fleurie de Montargis, construite autour de l’eau et connue comme la Venise du Gâtinais, à environ 100 km au sud de Paris. Parmi les Chinois présentés dans ce musée, on trouve par exemple Deng Xiaoping, le dirigeant suprême de la Chine entre 1978 et 1989, venu deux fois dans les années 1920 pour travailler comme cordonnier dans l’usine Hutchinson près de Montargis. De même, la salle d’exposition raconte l’histoire des collèges de garçons et de filles de Montargis qui ont accueilli des centaines de jeunes gens progressistes venus de Chine, où ils ont étudié le français et ont été exposés aux idées révolutionnaires françaises. C’est là que Cai Hesen, un jeune homme de la province chinoise du Hunan, entre en contact avec les idées marxistes et propose dans une lettre adressée à Mao Zedong en Chine de créer le parti communiste chinois sur le modèle de la révolution d’Octobre en Russie. Ainsi, Montargis a également été nommé le berceau du parti communiste chinois.

Réception intérieure du musée
(photo : Chen Fan)

Par un bref rappel historique, nous devons comprendre ce qui explique le lien entre Montargis et les jeunes Chinois, en particulier ceux qui sont retournés en Chine par la suite pour devenir des dirigeants politiques. La relation entre la ville de Montargis et les personnalités politiques chinoises est due au fait que pendant le mouvement du 4 Mai[1], la jeunesse chinoise, influencée par Le Mouvement pour la nouvelle culture[2] et la lutte anti-impérialiste et patriotique, est allée en France afin de travailler et étudier à la recherche de la connaissance et de la vérité pour sauver le pays et le peuple par le mouvement travail-études[3]. La première personne à avoir lancé ce mouvement est Li Shizeng, qui a étudié à l’école pratique d’agriculture du Chesnoy à Montargis. Entre 1919 et 1920, plus de 1600 personnes, divisées en 20 groupes, sont arrivées en France. Grâce à l’ouverture d’esprit présente dans la ville de Montargis à l’époque, Chalette, dans le centre de la France, a accueilli un groupe de jeunes étudiants chinois grâce aux efforts de divers partis, ce qui a permis à Cai Hesen, Chen Yi, Li Fuchun et Cai Chang d’entrer en immersion dans un milieu estudiantin. Une centaine d’entre eux avaient étudié à Montargis-Chalette et ont progressivement adhéré au marxisme avant de se le réapproprier.

Le musée a été construit grâce aux efforts de l’Association d’amitié Montargis-Chine. La directrice du musée, Mme Wang Peiwen, a persuadé le gouvernement provincial du Hunan d’acheter une maison vieille de 400 ans en 2014 au 15 rue Raymond Tellier à Montargis, pour soutenir les dépenses de fonctionnement quotidien du musée. En 2016, le musée a été inauguré en présence de personnalités politiques chinoises et françaises et une délégation de l’amitié franco-chinoise[4]. En outre, en 2005, la ville de Montargis a ouvert un circuit chinois composé de plaques explicatives devant les lieux historiques dans la ville.

Ceci est la preuve que l’amitié entre Montargis et la Chine se perpétue. En 2014, à l’occasion du 110e anniversaire de la naissance de Deng Xiaoping et du 50e anniversaire des relations diplomatiques entre la France et la Chine, la place située devant la gare de Montargis a été rebaptisée place Deng Xiaoping. Ce musée est ainsi l’aboutissement des efforts déployés précédemment par la Chine et Montargis pour préserver leur histoire commune. En 1978, Deng Xiaoping a mené des réformes économiques qui ont mis fin à l’économie planifiée de la Chine et a commencé à établir des relations diplomatiques avec les pays occidentaux. Bien que la France ait établi des relations diplomatiques avec la Chine en 1964, la Chine n’était pas une économie de marché et était au milieu de luttes politiques internes telles que la Révolution Culturelle entre 1966 et 1976, elle avait peu de contacts avec les pays occidentaux comme la France. En 1982, Nublat Max, le maire de Montargis, a été invité par le gouvernement chinois à visiter la Chine et y étudier pendant quinze jours. Lors de sa visite en Chine, il a rencontré Deng Xiaoping et a évoqué ses expériences à Montargis[5]. On peut constater que déjà à cette époque, la ville de Montargis était liée à la Chine et que depuis, il existe des échanges culturels et économiques continus entre ces deux espaces.

Le musée est divisé en quatre thèmes : L’appel du temps ; La recherche de la vérité ; Les piliers de l’orient et L’amitié éternelle. Ces quatre thèmes illustrent le contexte historique et les raisons de leur arrivée en France, ainsi que ce qu’ils y ont acquis et appris, et le rôle important qu’ils ont joué dans la diffusion des idées marxistes et dans la création et le développement du Parti communiste chinois.

La première partie de l’exposition du musée présente les raisons pour lesquelles des étudiants chinois sont venus en France, et en particulier à Montargis, ainsi que le contexte historique de la Chine et de la France à l’époque. La Chine était une société semi-coloniale et semi-féodale. Sous l’impulsion du Mouvement pour la nouvelle culture, elle a répondu à l’appel de l’époque. Vers les années 1920, un grand nombre d’étudiants des provinces du Sichuan et du Hunan sont venus en France pour étudier, aspirant aux idées démocratiques et libérales ainsi qu’aux sciences naturelles et à la technologie de la France. Le mouvement Travail – Études en France ne pouvait pas être mené sans Li Shizeng, l’un des fondateurs des Sociétés franco-chinoises, et fondateur de ce mouvement. Li Shizeng, avait auparavant étudié à l’école agricole locale de Montargis et connaissait bien la société et la culture française. Grâce à ses nombreux contacts, il a créé et rendu possible la mise en pratique du mouvement Travail-Étude. Cette partie de l’exposition est ancrée dans le contexte socio-historique de la Chine de l’époque, et a mis au jour de précieuses photos historiques qui sont d’une grande importance pour notre compréhension du contexte de l’époque.

L’intérieur du musée montre les tables d’étude des étudiants chinois de l’époque.
(photo : Chen Fan)

La deuxième partie : La recherche de la vérité, mentionne non seulement Montargis comme un lieu important d’études et de travail pour les étudiants chinois, mais aussi Lyon, Nice et d’autres villes françaises où les étudiants du mouvement travail-études étaient présents. Ils étudiaient plusieurs heures par jour et passaient leurs nuits à apprendre des cours de français. Ils ont été largement exposés aux réalités de la vie dans la société capitaliste. Certains jeunes se sont concentrés sur l’examen de la société capitaliste, l’engagement avec les masses ouvrières et l’étude du mouvement ouvrier, des idées socialistes et du marxisme. Par exemple, Cai Heisen, qui a étudié à Montargis, n’était pas satisfait du programme de son école, qui ne lui permettait pas d’apprendre la théorie politique. Il a donc volontairement quitté l’école et a appris le français dans un parc tous les jours avec un dictionnaire dans le but d’apprendre les idées marxistes. Dans une lettre adressée à Mao Zedong au cours de cette période, il est le premier à proposer la méthode russe pour établir le parti communiste chinois. En outre, Deng Xiaoping, qui était le leader suprême entre 1978 et 1989, a connu un grand changement de mentalité à la suite de son expérience laborieuse autant sur le plan des études et que sur celui du travail. Il a continué à explorer l’avenir du pays et son évolution personnelle, s’orientant pas à pas vers le marxisme. La plupart d’entre eux ont fini par accepter les idées marxistes, ce qui a donné de précieux conseils pour la création du Parti communiste chinois et ils se sont fermement engagés sur la voie de la révolution.

L’intérieur du musée expose des bicyclettes de la même époque utilisées par Deng Xiaoping
(photo : Chen Fan)

La troisième partie porte sur les piliers de l’orient. Cette section de l’exposition traite de l’histoire des jeunes étudiants chinois en France qui ont été influencés par les idées marxistes et qui sont finalement rentrés en Chine pour devenir des dirigeants importants du Parti communiste chinois. Par exemple, Deng Xiaoping, un important dirigeant de la nouvelle Chine, s’est imprégné du marxisme et a rencontré Zhao Shiyan et Li Lisan, qui sont devenus plus tard membres du parti communiste. Zhou Enlai, le Premier ministre de la nouvelle Chine, avait déjà été exposé au marxisme avant de se rendre en France, et il voulait visiter l’Europe pour examiner les conditions sociales dans les pays capitalistes et s’informer sur les différentes idées européennes pour transformer la société. Il a finalement voulu chercher des moyens concrets pour les appliquer à la Chine. Zhou Enlai finit par rentrer en Chine et devient Premier ministre jusqu’à sa mort en 1976, la même année que celle de Mao. Parmi ce groupe de personnes, une femme se démarque : Ge Jianhao, qui avait 54 ans lorsqu’elle est arrivée en France en 1919 avec son fils Cai Hesen et sa fille Cai Chang. Après son retour en Chine en 1921, Ge Jianhao a rejoint la Fédération des femmes du Hunan et a créé une école de filles à Changsha, dont elle est devenue la directrice. À leur retour en Chine, ces jeunes gens ont occupé divers postes et ont constitué une force importante dans la construction de la Chine.

La quatrième partie : L’amitié éternelle, se concentre sur les relations diplomatiques entre la Chine et la France. La France était le premier pays européen à avoir ouvert ses portes à la Chine après la Seconde Guerre mondiale et à établir des relations diplomatiques, qui sont restées cordiales jusqu’à aujourd’hui. Dans cette section, les images et les documents de l’exposition révèlent un nouveau chapitre des relations sino-françaises à travers la coopération continue entre la Chine et la France en termes d’interactions intensives dans les domaines économiques, culturels et sportifs.

Ce musée de l’histoire de l’amitié franco-chinoise à Montargis illustre non seulement les relations historiques entre Montargis et la Chine, mais reflète également, à travers sa création, les relations amicales entre la Chine, Montargis et la Région Centre aujourd’hui. Ces relations politiques, économiques, culturelles et commerciales, sont promues et développées par les organisations locales d’amitié franco-chinoise et par des personnes de tous horizons.

(photo : Chen Fan)

Chen Fan
Master 2 Les sociétés modernes et contemporaines dans les mondialisations.
Mémoire d’histoire contemporaine sous la direction de Sylvie Aprile.

[1] Le mouvement du 4 Mai était un mouvement étudiant qui a débuté le 4 mai 1919 pour protester contre la signature des traités inégaux contre la Chine lors de la Conférence de paix de Paris.

[2] Le mouvement pour la nouvelle culture, un mouvement culturel qui a débuté en Chine en 1915 pour promouvoir la démocratie et la science.

[3] Pendant le mouvement du 4 Mai, les jeunes Chinois sont allés en France en grand nombre pour travailler et étudier à la recherche de la connaissance et de la vérité pour sauver le pays et le peuple.

[4] Liu Juntao, “中国旅法勤工俭学蒙达尔纪纪念馆开馆Ouverture du musée historique de l’amitié franco-chinoise”, Site web de People.cn, 28 août, 2016, http://world.people.com.cn/n1/2016/0828/c1002-28670619.html

[5] Bulletin municipal officiel de Montargis, Octobre 1982, Numéro 22, P.10-11

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