Résumé :

En 1626, la ville de Castres concentre, pour quelques mois, l’attention du   huguenot. Le 16 septembre, s’ouvre en effet le vingt-cinquième synode national, et le dernier à avoir lieu durant les affrontements entre la monarchie française et les protestants des années 1620. Y affluent alors pasteurs et anciens en provenance de tout le royaume, mais également un certain Auguste II Galland, nommé commissaire du roi par Louis XIII quelques années auparavant, et qui est chargé de veiller au bon déroulement du rassemblement, ainsi qu’à la fidélité de ses députés. Luc Daireaux, spécialisé dans l’histoire du protestantisme, prend l’exemple de ce synode pour tenter de comprendre le fonctionnement de cette réunion à partir d’une documentation d’une certaine diversité.

  Luc Daireaux est actuellement professeur au collège Sévigné de Paris, où il est également chargé de TD d’histoire moderne pour des étudiants en CAPES et en préparation à l’agrégation, tout en étant chargé de cours à l’Université Paris-Est Créteil, tout en étant aujourd’hui rattaché au GRHP (Groupe de Recherche en Histoire des Protestantismes). En 2007, il soutient à l’EHESS, une thèse dirigée par André Zysberg consacrée  à la manière dont s’installent en Normandie, sous le règne de Louis XIV, les mécanismes menant à la Révocation de l’Edit de Nantes, intitulée « Réduire les huguenots » : protestants et pouvoirs en Normandie sous le règne de Louis XIV : processus, acteurs, discours. Il est spécialisé dans l’histoire du protestantisme, sous un prisme extrêmement large, puisqu’il peut autant travailler sur des sujets proches de celui qu’il a traité pour sa thèse, comme c’est par exemple le cas de l’article « Réflexions sur la politique de ‘réduction’ du Roi-Soleil, 1643 – 1685 », publié dans le trente-et-unième tome du Bulletin annuel de l’Institut d’histoire de la Réformation de l’Université de Genève, que sur des sujets qui peuvent en paraître plus lointains, touchant parfois même à l’histoire rurale[1]. Il anime également un podcast d’actualité de la recherche historique, intitulé Chemins d’histoire, grâce auquel il s’est déjà penché sur le synode national de Castres[2].

  L’histoire du protestantisme connaît depuis une cinquantaine d’années[3] un essor considérable à plusieurs reprises, motivé par le renouvellement de l’histoire des mentalités, entre les années 1960 et 1970, puis à l’occasion du tricentenaire de la Révocation de l’Edit de Nantes, en 1985, qui a vu le nombre de publications relatives au protestantisme français augmenter. L’histoire des synodes nationaux figure très peu parmi les thèmes étudiés dans le cadre de l’histoire du protestantisme en France. Certaines publications se penchent sur les actes des synodes, comme c’est le cas de Bernard Roussel et de Solange Deyon, qui les utilisent pour réaliser une édition critique des ouvrages de John Quick et de Jean Aymon[4], dans leur article « Pour un nouvel « Aymon » Les premiers Synodes nationaux des Eglises réformées en France (1559-1567) ». Françoise Chevalier les utilise également à plusieurs reprises, notamment pour étudier le fonctionnement du synode de Loudun[5], le dernier à avoir lieu avant la signature de l’Edit de Fontainebleau. Mais malgré ce travail très complet, la manière dont se déroulent les synodes reste un thème qui semble assez délaissé, jusqu’à la publication de ce nouvel article de Luc Daireaux.

  Comme l’exprime l’auteur dès son introduction, les historiens qui se penchent sur la question n’utilisent majoritairement que les versions imprimées des actes des synodes, sollicitant en grande partie les écrits de John Quick et de Jean Aymon. Si Luc Daireaux n’exclut pas l’ouvrage de ce dernier de ses sources, il ne désire cependant pas s’en contenter. C’est pour cette raison que, déplorant le fait que très peu d’historiens utilisent les manuscrits des actes du synode, il entend les solliciter afin de reconstituer une chronologie de celui-ci. Pour ce faire, il intègre également à ses sources des imprimés[6] ou des documents édités. C’est notamment le cas du rapport d’Auguste II Galland, déjà connu sous formes diverses, mais qui est édité en 2012 par Dénes Harai dans la biographie qu’il fait de ce commissaire du roi, Auguste II Galland (1572-1637), conseiller d’Etat et commissaire de Louis XIII aux synodes des Eglises réformées de France, et qui est utilisé sous cette forme par l’auteur. C’est donc un ensemble de documents variés qui permet à Luc Daireaux d’étudier la question du fonctionnement d’un synode national.

  Dans un premier temps, c’est en replaçant le synode de Castres dans son contexte, celui d’une paix provisoire signée avec les protestants à peine quelques mois avant qu’il ne se rassemble, que l’auteur introduit Auguste Galland, qui assiste à ce synode en tant que commissaire du roi. Figure que Louis XIII impose à chaque assemblée protestante pour s’assurer que les discussions qui y ont lieu n’outrepassent pas le cadre religieux. Luc Daireaux est donc capable de reconstituer le parcours précis du commissaire, que ce soit son itinéraire, ou les affaires qui l’occupent dès son arrivée, de sorte que son second objectif nous apparaît très rapidement : s’assurer que les consuls, autant que les députés, soient bel et bien fidèles au roi.

  Après une première partie sur les fonctions et obligations d’Auguste Galland, la seconde est dédiée au rôle des divers acteurs du synode. C’est dans cette optique, et de manière toujours aussi détaillée, que nous est d’abord décrite la composition de cette assemblée : les documents consultés contiennent des renseignements si précis qu’ils nous permettent de connaître jusqu’à l’identité des députés et leur nombre selon les provinces. Par ailleurs, Luc Daireaux montre comment sont nommés les membres du bureau du synode, décrivant tant le mode de nomination en vigueur que le parcours de ces individus. Tout en précisant plus encore le rôle d’Auguste Galland au sein de cette assemblée, il expose le genre d’affaires auxquelles elle est confrontée. On se rend alors compte de leur grande diversité, qui, lorsqu’elles concernent des appellations, peuvent passer outre l’ordre de Louis XIII de se limiter à des sujets strictement religieux.

  Luc Daireaux arrive ensuite à l’un de ses principaux objectifs : reconstituer la chronologie du synode de Castres. Nous pouvons donc constater, par exemple, que les affaires d’appellation sont traitées par le synode à partir du 24 septembre, et ce pendant un mois au cours duquel Auguste Galland est susceptible d’être autant sollicité par les individus venus présenter leur cas que par les députés, avec lesquels certaines dissensions peuvent apparaître. Son rapport le montre particulièrement bien, même s’il reste muet vis-à-vis de certains éléments, comme par exemple l’activité des pasteurs le dimanche. Outre cette chronologie, l’auteur montre aussi l’intrusion de la politique dans les affaires du synode, et ce en dépit des efforts de l’administration royale : à la fin du mois de septembre, Louis XIII désire nommer lui-même deux nouveaux députés, alors que cela fait partie des droits propres au synode. En réaction, l’assemblée envoie une délégation à la Cour dès le 28 du même mois.

  L’auteur mène donc une étude de cas, se concentrant ainsi sur l’exemple de Castres pour mettre en lumière le fonctionnement d’un synode national. Le fait de se pencher sur un seul synode permet de reconstituer le déroulement de celui-ci dans une certaine chronologie, tout en mettant en valeur les étapes principales qui le ponctuent. Mener une telle étude donne également la possibilité de s’attarder sur des éléments sur lesquels il n’aurait certainement pas été possible de se concentrer  autant si plusieurs cas avaient été étudiés, tandis que cet article va jusqu’à mettre en évidence le parcours des membres du synode, ainsi que leurs origines, tant géographiques que sociales, grâce à la liste des députés qui a été mise en annexe. 

  Le travail mené par Luc Daireaux confirme donc le fait que le synode de Castres se déroule dans un contexte délicat[7]. Nous nous rendons compte que malgré les précautions prises par le pouvoir royal, il se retrouve mêlé à des affaires politiques. Les connaissances apportées par Françoise Chevalier quant au fonctionnement d’un synode national sont également consolidées. Bien sûr, cette étude apporte également de nouvelles connaissances, puisqu’une telle entreprise n’avait encore jamais été menée pour Castres, d’autant plus que les actes de ce synode n’ont pas l’air d’avoir été utilisés dans leur forme manuscrite, avant que Luc Daireaux ne le fasse[8].

Cet article ayant été publié dans une revue destinée à « […] mieux faire connaître le XVIIe siècle dans son ensemble […] »[9], celui-ci est autant destiné à un public amateur de cette période, qu’à un lectorat plus spécialisé. Ainsi, l’auteur emploie  des mots peu compliqués, et un style d’écriture agréable qui s’approche plus d’une narration que d’un exposé. Nous ne sommes donc pas obligés de posséder des connaissances poussées sur l’histoire du protestantisme, le rendant autant utile pour un étudiant que pour un chercheur. Ainsi, le travail de Luc Daireaux est autant passionnant qu’il est enrichissant, puisqu’il offre des renseignements très précieux sur une assemblée trop peu étudiée alors qu’elle devient, durant cinquante-et-un jours, la capitale huguenote du royaume. D’autant plus qu’elle concentre l’attention du pouvoir royal, au point que des personnages importants de l’Etat soient sollicités ou y interviennent.

  Si l’histoire du protestantisme français est en plein essor depuis quelques décennies, notamment avec des auteurs comme Bernard Roussel, l’histoire des synodes nationaux est quasi-inexistante. De ce fait, l’article de Luc Daireaux est plus que bienvenu, puisqu’il met en évidence les modes de fonctionnement, et les acteurs principaux d’une assemblée extrêmement importante pour le parti protestant. Cette publication résulte de l’exploitation de sources variées, dont certaines n’ont pas été utilisées, mettant en évidence divers éléments pouvant, entre autres, aboutir sur une histoire sociale de ces députés.

Paulyne Sola
Master 1 EAD Les sociétés modernes et contemporaines dans les mondialisations.
Mémoire d’histoire moderne sous la direction de Nicolas Schapira.

[1] Daireaux Luc, « Activité et sociabilité rurales dans le Bocage coutançais au XVII^e siècle : le procès d’un gentilhomme protestant (1670-1671) », Histoires et sociétés rurales, n°27, 2007/1, p. 121 – 153.

[2] Daireaux Luc, Le synode national de Castres (1626), Chemins d’histoire, Radio Clype, 26 avril 2020, 30 min. 27.

[3] C’est ce que montrent les articles de Jean Baubérot (Baubérot Jean, « Le Protestantisme français et son historiographie », Archives des Sciences Sociales des Religions, n°58-2, 1984, p.175-186.) et de Philippe Joutart (Joutart Philippe, « Un demi-siècle d’historiographie protestante », Bulletin de la Société de l’Histoire du Protestantisme Français (1903-), n°148, 2002, p. 1161-1175), en mentionnant par ailleurs le fait que l’histoire du protestantisme a toujours été travaillée, puisque le lien entre l’histoire et les minorités est, d’après eux, toujours très fort.

[4]Quick John, Synodicon in Gallia Reformata or the Acts, Decisions, Decrees and Canons of those famous National Councils of the Reformed Churches in France…, Londres, T. Parkhurst et J. Robinson, 1692, 2 t. et Aymon Jean, Tous les synodes nationaux des Eglises réformées de France, La Haye, Charles Delo, 1710, 2 t.

[5] Chevalier Françoise, « Le synode national de Loudun (décembre 1659 – janvier 1660) d’après les témoignages du Commissaire du Roi Jacques Collas de la Madelène et du pasteur Jacques Couet du Viviers », Bulletin de la Société de l’Histoire du Protestantisme Français (1903-), n°142, p. 225-275.

[6] Par exemple, Lettres patentes de déclaration du roy sur le faict des assemblées et synodes de ses subjectz de la Religion prétendue refformée, Rouen, Martin Le Mesgissier, 1623.

[7] C’est quelque chose que l’on voit déjà, à titre d’exemple, dans la communication du congrès de Castres d’octobre 2017 de Souriac Pierre-Jean, La Guerre ou la paix ? Le synode national des Eglises réformées de France tenu à Castres sous le regard du roi, du parti protestant et des catholiques méridionaux. Congrès de la Fédération des sociétés savantes de Midi-Pyrénées, 2017, Castres.

[8]Il nous paraît important de préciser que pour le moins, nous n’avons pas trouvé de travaux qui les aient sollicités.

[9] Cette phrase est tirée de la rubrique de présentation de la revue, sur le site internet de la Société d’Etude du XVIIe siècle [consulté pour la dernière fois le 05/01/2022] : http://www.17esiecle.fr/presentation/

Source de l’image mise en avant : Gravure représentant le synode national de Montpellier, 1598, Collection privée.

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