Résumé :

Le Musée de la Grande Guerre du pays de Meaux se revendique comme le plus grand musée sur le conflit de 1914-1918. A sa visite, force est de constater en effet que, par la richesse de ses collections, il apporte un éclairage complet et une analyse intelligente sur la première guerre mondiale, des origines du conflit jusqu’à son dénouement et au-delà. Malgré un traitement muséographique parfois par trop immersif, qui ne facilite pas toujours le recul nécessaire à l’historien, il permet malgré tout d’explorer d’autres aspects de l’époque, moins fréquemment évoqués, ce qui n’est pas la moindre de ses qualités.

Inauguré le 11 novembre 2011 (soit, le 11/11/11, on ne peut faire date plus au « garde à vous » !) le Musée de La Grande Guerre du Pays de Meaux se revendique comme le plus grand musée d’Europe consacré à 14-18 et cela semble indiscutable au vu de la richesse de ses collections pour qui veut mieux comprendre la grande et la petite histoire du premier conflit mondial. Il a donc fêté l’année dernière ses 10 ans. Destiné au plus grand nombre, on le devine tout particulièrement propice aux visites de scolaires, tant son approche pédagogique est fortement développée. En dépit des scènes dans lesquelles le visiteur peut se retrouver immergé, parfois de manière peut-être un peu trop excessive (dans un esprit de mise en scène pouvant rappeler les files d’attente de certains parcs d’attraction au détriment du nécessaire recul propice aux études historiennes) les collections présentées, rassemblées pour la très grande majorité d’entre elles par Jean-François Verney, sont d’une rare richesse. Par ses différents niveaux de lecture, ce musée se révèle finalement être un excellent moyen de couvrir tous les aspects de la Grande Guerre : militaire bien sûr, mais également politique, économique, social ou culturel.

Un parcours immersif et pédagogique pour comprendre le premier conflit mondial

Ce qui frappe le visiteur dès l’arrivée dans le musée, à peine stationné sur le parking, se sont les détonations de canons, le claquement des sabots de chevaux ou de bruit des roues des pièces d’artillerie sur les pavés. On pénètre ensuite dans le musée en traversant une vaste carte gravée au sol, illustrant les différents lieux de combats, avant de monter dans les étages, où l’exposition proprement dite est proposée.

On l’a compris, tout a été mis en œuvre pour rendre compte de manière quasi sensible de la réalité du conflit. C’est là un levier pédagogique puissant et qui va se décliner sur l’ensemble du parcours, depuis années précédant le conflit, avec la mise en scène de classe d’école ou de chambrée de caserne, afin de souligner comment les esprits ont été préparés au conflit jusqu’aux conséquences encore palpables aujourd’hui. Les différentes salles ou scénographies sont émaillées de sonorisations relatives aux différents thèmes évoqués : ainsi lorsque l’on se trouve au cœur d’une casemate, on peut entendre les tirs d’artillerie ou les cris des soldats. Cette immersion dans un univers à la fois physique et sonore est poussée à l’extrême pour illustrer la boue dans les tranchées ! ainsi sur une partie du plancher, des capteurs ont été insérés sous le revêtement de sol pour générer le bruit caractéristique de succion que produit la boue lorsque le pied s’enfonce dans le sol humide !

Une mise en situation originale mais efficace

Photo de Vincent Leglaive

Parmi les « mise en scène » façon diorama à l’échelle 1, on peut découvrir deux représentations (que l’on imagine parfaitement fidèles au vu de la précision es détails) des tranchées françaises et allemandes, se faisant face. La muséographie développée rend parfaitement compte de la dureté de la vie du soldat par l’intermédiaire d’un artifice efficace. En effet, hormis la reconstitution fidèle des scènes (tranchées, casemates, etc.), le reste du décor est d’une blancheur immaculée même si l’on y devine trous d’obus, barbelés, restes de végétation, etc. Ce contraste visuel, associé aux bruitage, renforce considérablement l’impression d’immersion et permet au jeune public de mieux saisir toute la réalité de la vie du poilu et l’horreur des combats.

Photos de Vincent Leglaive

L’exposition fait également la part belle à l’image vidéo avec de nombreuses séquences, dans les différentes salles. Relativement courtes, elles sont particulièrement impressionnantes, n’hésitant pas à montrer des photos de cadavres dans les barbelés ou des images d’archive sur des soldats souffrant de syndromes post traumatiques particulièrement saisissants. Même si ces images rendent compte de la réalité de la guerre, elles peuvent malgré tout choquer les plus sensibles et il aurait été utile d’indiquer, à l’entrée des salles concernées, un avertissement.

Enfin, notons que les textes muséographiques sont en nombre assez limité et correctement mis en avant, en facilitant la lecture, sans risquer de décourager les plus réticents. Toutefois, même si on ne prend pas la peine de se pencher sur ces textes, la richesses des collections exposées se suffisent bien souvent à elles-mêmes pour expliquer le conflit.

Une collection d’une richesse sans pareil

Photo de Vincent Leglaive

S’il est bien une grande force de ce musée, celle-ci réside dans l’impressionnante collection de pièces d’époque : quantité d’uniformes sont présentés, de toutes les armes, de toutes les armées, de tous les niveaux hiérarchiques, de tous les pays, tant militaires que civils (tenue des infirmières par exemple). Notons au passage que la mise en scène est là encore très efficace avec des mannequins « en marche », comme au défilé, arborant les tenues des différents belligérants. Les moindres variantes dans les tenues semblent exposée avec une parfaite exhaustivité. Il en va de même pour l’équipement du soldat. C’est au travers de salles dédiées aux armes ou aux objets de la vie militaire au quotidien que l’on peut avoir un aperçu très complet d’une part de l’ingéniosité mise place par les hommes de l’époque pour s’entretuer mais, également d’autre part, l’habileté mise en œuvre par des soldats désœuvrés dans leur tranchée et travaillant des douilles d’obus dans un travail touchant presqu’à l’orfèvrerie.

Sont également exposés des pièces beaucoup plus imposantes comme un taxi Renault, les fameux « Taxis de la Marne », un char léger du même constructeur, deux avions ainsi qu’un splendide camion colombophile. Naturellement, au même titre que ces véhicules, on y trouve également différentes pièces d’artillerie françaises et allemandes. Enfin, notons la présence de très nombreuses affiches ou documents de propagande de l’époque, qui viennent compléter la richesse iconographique de l’exposition. Et c’est là un autre intérêt de ce musée : au parcours chronologique, en immersion, il offre l’opportunité d’emprunter des chemins de traverse sur des thématiques plus spécifiques.

Photo de Vincent Leglaive

D’autres éclairages sur le conflit

Si on est assez naturellement amené à traverser l’exposition de manière chronologique, depuis la défaite de 1870, qui porte en elle une part de l’esprit revanchard de 1914, jusqu’à l’après-guerre (l’Allemagne ne devait-elle pas payer des indemnités de guerre échelonnées jusqu’en… 1984 !), d’autres parcours thématiques permettent d’approfondir des domaines plus spécifiques. Il en va ainsi d’un parcours parallèle très instructif sur l’évolution de la place de la femme dans la société et dans l’économie du conflit au cours de l’époque.

Il en va de même, comme on l’a déjà évoqué, des salles dédiées aux armements, à l’équipement du soldat, à la propagande ou à la censure, à la vie quotidienne à l’arrière, au conflit au cœur des colonies, au traitement sanitaire et médical pendant et à l’issue du conflit, etc. Bref, il s’agit-là d’autant d’occasions de faire un pas de côté, pour ainsi dire, hors de la tranchée afin de mieux saisir « par le bas » la vie d’une époque toute entière consacrée à l’effort de la guerre totale.

Si ce musée, parce qu’il a pour ambition d’être ouvert à tous, semble parfois pêcher par la mise en scène trop poussée de certaines situations de la vie de l’époque, il n’en reste pas moins qu’il apporte un éclairage riche, une analyse intelligente et une vision complète du premier conflit mondial en faisant œuvre de mémoire, à l’heure où, depuis le décès en 2008 de Lazare Ponticelli, plus aucun témoin vivant n’est évidemment là pour rappeler l’horreur des tranchées.

Vincent Leglaive
Master 1 EAD Les sociétés modernes et contemporaines dans la mondialisation.
Mémoire d’histoire contemporaine sous la direction de Xavier Vigna.

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