Compte rendu de l’article : Koczerska Maria, « L’amour de la patrie et l’aversion pour la dynastie : Exemple de Jan Dlugosz, historiographe des Jagellon », Les princes et l’histoire du XIVe au XVIIIe siècle, 1998, p. 171‑180. Cet article sera présenté lors d’un colloque organisé par l’Université de Versailles – Saint-Quentin et l’Institut Historique Allemand à Paris / Versailles du 13 au 16 mars 1996.

Résumé de l’article :

Cet article de l’historienne Maria Koczerska présente les Annales de Jan Dlugosz, un ecclésiastique et chroniqueur du Royaume de Pologne. Ces Annales nous font connaître l’histoire de la Pologne de ses débuts jusqu’à 1480. L’auteur se demande si ces Annales sont des Annales Royales ou des Annales du Royaume. Maria Koczerska nous expose la façon dont Dlugosz voyait le Royaume de Pologne ainsi que ses personnages historiques importants et nous donne ainsi une nouvelle vision, pas toujours objective, de l’histoire polonaise.

Maria Koczerska (née en 1944), est une historienne polonaise spécialiste de l’ Église catholique au Moyen Âge. En 1967, elle est diplômée de l’Université de Varsovie. Cette historienne a écrit un grand nombre d’articles dans plusieurs revues historiques polonaises telleKwartalnik Historyczny  ou encore  Przegląd Historyczny.

  L’article « L’amour de la patrie et l’aversion pour la dynastie : exemple de Jan Dlugosz, historiographe des Jagellon [1]» est paru dans « Les princes et l’histoire du XIVe au XVIIIe siècle ». Cet article fut présenté lors du colloque organisé par l’Université de Versailles – Saint-Quentin et l’Institut Historique Allemand à Paris / Versailles du 13 au 16 mars 1996.

  Cet article nous transmet un grand nombre d’informations sur Jan Dlugosz (1415-1480), chanoine de la cathédrale de Cracovie, diplomate et historien polonais. Il est l’auteur des  Annales seu cronicae incliti Regni Poloniae [2] qui contient douze livres dans lesquels il présente l’histoire de la Pologne de ce que l’on appelle “les temps légendaires” (il n’y a pas de date précise trouvée à ce jour) consacrée aux trois premiers rois de la dynastie des Jagellon. La dynastie antérieure était celle des Piast qui regna sur la Pologne de 960 à 1370. Le dernier roi de cette dynastie était Casimir le Grand. Celui-ci meurt en 1370 et, sans descendant, la Pologne a rapidement besoin d’un roi pour rétablir une paix perturbée par de nombreuses révoltes des nobles. Ces évènements expliquent le couronnement de la reine Edwige en tant que roi de Pologne en 1384. Elle fut mariée avec le prince de Lituanie Ladislas II Jagellon afin d’unir la Pologne et la Lituanie de la dynastie des Jagellon.

  L’article de Maria Koczerska est important car il propose une étude des Annales de Dlugosz. La question principale que se pose l’auteur dans cet article est de savoir si les Annales de Dlugosz étaient des Annales du Royaume de Pologne ou des Annales royales.  Parle-t-il seulement des évènements politiques qui concernent le royaume de Pologne ou bien ces Annales sont-elles un compte rendu de la vie de la cour royale ?
  L’auteur présente dans un premier temps Jan Dlugosz ainsi que son protecteur et modèle, Zbigniew Olesnicki (1389-1455), évêque de Cracovie, dont il fut le secrétaire. Celui-ci aura une place importante dans l’histoire de la Pologne. Il contribuera à placer Wladislas III sur le trône de Hongrie, Wladislas III étant le fils de Ladislas Jagellon, fondateur de la dynastie des Jagellon en Pologne.

  Il est également important de préciser que la passion pour l’histoire d’Olesnicki encouragera Dlugosz dans la rédaction de ses Annales et influencera grandement ses convictions personnelles et politiques. L’auteur souligne les différentes missions diplomatiques de Dlugosz, notamment lors de la guerre de treize ans qui opposa les chevaliers teutoniques, ordre militaire chrétien venant d’Allemagne, au royaume de Pologne entre 1454 et 1466. Dlugosz aura un rôle de conseiller et de négociateur. Cette guerre a été déclenchée par le soulèvement des cités prussiennes qui ne voulaient plus se soumettre à l’ordre. Les cités prussiennes ont demandé de l’aide au roi de Pologne Casimir IV (1447-1492), ce qui provoquera cette guerre. Elle se finira par la victoire de la Pologne et sera conclue par le traité de Torun en 1466.
  L’auteur évoque également le conflit entre Dlugosz et le roi Casimir entre 1461 et 1463. Dlugosz ne soutenait pas le même candidat au Saint-Siège que le roi. Cette opposition a sûrement été influencée par son protecteur Olesnicki, celui-ci étant le chef de file de l’opposition contre le roi.

Ces informations sont importantes pour la compréhension et l’étude des Annales car elles montrent une certaine détermination opiniâtreté de Dlugosz et ce, même contre le roi. Le conflit entre le roi et Dlugosz concernant le candidat au Saint-Siège sera de courte durée car ce dernier se ridiculisera devant le roi et celui-ci pardonnera à tous ses adversaires dont Dlugosz.
  Le roi a même décidé de faire de Dlugosz le précepteur de ses fils, celui-ci étant très érudit. Il leur a appris l’art de la conversation en latin et en polonais. L’auteur se pose la question de l’utilisation des Annales dans l’enseignement qu’il donnait aux fils du roi. Les Annales étant à ce moment en cours de rédaction, cela n’est donc pas exclu, mais l’auteur pense plutôt que l’éducation se faisait de manière orale.
  L’auteur des Annales dédiait son œuvre aux gouvernants ou futurs gouvernants, l’un des buts de ces Annales étant de leur présenter « des portraits d’hommes illustres et valeureux, c’est-à-dire des modèles à suivre, ainsi que des exemples négatifs à éviter [3] ».

  La rédaction de ces Annales durera 25 ans. Il les confiera à l’Université de Cracovie pour qu’on poursuive son œuvre. Il proposa même de créer une chaire universitaire et d’y nommer un professeur dont l’unique occupation aurait été la rédaction des Annales, mais cette idée n’a pas eu de suite.
  Dlugosz remarquait également l’importance de l’éducation historique, et ce, même dans les affaires politiques du royaume : par exemple, lors des procès de 1422 sous Ladislas Jagellon. On avançait des arguments d’ordre historique pour justifier les droits de la Pologne à la Poméranie, une région maritime polonaise détenue par les chevaliers teutoniques. La Poméranie ayant toujours appartenu au Royaume de Pologne, cet argument historique a donc servi dans les négociations.
  Il est intéressant de constater que le roi Casimir IV ainsi que les contemporains de Dlugosz ne s’intéressaient pas beaucoup à la rédaction des Annales. Cela n’avait pas que des mauvais côtés car Dlugosz pouvait ainsi rédiger ses Annales avec moins de pression de la part des personnes mentionnées. Malgré cela, Dlugosz évoque dans son épître dédicatoire être quand même la cible de calomnies et de propos injurieux.

  L’attachement de Dlugosz à la vérité le poussait également à mentionner les bruits et rumeurs qui couraient sur la famille royale. La reine Sophie était ainsi en 1427 suspectée d’adultère envers son mari Ladislas II (celui-ci s’étant remarié après la mort précoce de la reine Edwige). La reine Sophie était enceinte du futur roi Casimir IV. Dlugosz ne prend pas parti et se contente de mentionner l’événement dans ses Annales. Celui-ci essayait de rester le plus impartial possible. Il est important de préciser que malgré cette volonté, cela n’était pas toujours le cas. Dlugosz était très conservateur. Il tenait à ce que le royaume de Pologne ne soit pas dirigé par des étrangers. Pour lui, l’avènement des Jagellon venant de Lituanie était une calamité et un châtiment de Dieu. Il méprisait le roi Ladislas Jagellon qu’il considérait comme un païen. Cependant, il évoque également les rumeurs concernant des personnes qu’il appréciait comme l’accusation de bigamie de la reine Edwige d’Anjou. L’alliance Pologne-Lituanie était faite en partie réalisée par le mariage de Ladislas II Jagellon, un prince lituanien, avec Edwige d’Anjou considérée comme le roi de Pologne. Cette alliance et cet avènement des Lituaniens sur le trône de Pologne étaient également un moyen de christianiser la Lituanie. Même si Ladislas II était plutôt apprécié par le peuple polonais, il existait tout de même beaucoup de conservateurs qui considéraient que cette alliance était un châtiment de Dieu.

  Les Annales de Dlugosz comprenaient également des portraits détaillés de personnalités royales qui peuvent être intéressants pour les historiens contemporains. En effet, le portrait du roi Ladislas Jagellon n’est pas impartial même si Dlugosz souhaitait le rester. Il souligne surtout les défauts qu’il lui trouve mais mentionne tout de même quelques qualités comme sa sobriété, sa piété et sa douceur. Dlugosz établit également un portait du roi Casimir IV qui sera plutôt négatif dans les premières années de son règne. Il changera d’avis lorsque le roi confirmera les lois du royaume, ce qu’il avait promis au début de son règne. Les Annales évoquent donc beaucoup de points personnels sur des personnages importants de l’époque. Elles s’intéressent également à leur vie privée, sentimentale et aux activités de la cour.
  Ces Annales sont donc des Annales royales car elles traitent d’une partie de la vie des rois et ce également d’une manière privée.
Elles sont également des Annales du royaume de Pologne car elles retracent les évènements politiques du royaume ainsi que les déplacements des rois et leurs itinéraires.
  Par exemple, le roi Ladislas II voyageait énormément avec sa cour en Lituanie et en Pologne. Ces déplacements seront mentionnés dans les Annales. Dlugosz retrace les années de règne des rois ainsi que leurs choix politiques. Malgré parfois son animosité envers certains rois, Dlugosz devient leur historiographe. Le roi est important dans sa conception de l’histoire, il est donc important à citer.

  L’auteur Maria Koczerska, historienne, s’adresse via cet article aux historiens et aux personnes intéressées par l’histoire de la Pologne mais également par Jan Dlugosz. Cet article permet de faire connaître un historiographe polonais très populaire en Pologne mais peu connu à l’étranger.
  Cet article s’appuie sur des sources qui sont majoritairement les différents livres des Annales de Jan Dlugosz. Ces sources sont écrites en latin et connues en Pologne. En 1867 elles ont été traduites en polonais les rendant ainsi plus accessibles au public. Une partie des Annales a été conservée. Ce sont des manuscrits écrits par certains secrétaires de Dlugosz avec ses corrections personnelles. Les Annales sont évoquées voire copiées dans plusieurs manuscrits du XVe au XVIIe siècle. Ces derniers ou certaines de leurs pages sont conservés dans un grand nombre de bibliothèques. Par exemple, le  Annales seu Cronice incliti Regni Poloniae. Libri I-VIII [4] est conservé à la bibliothèque Załuski à Varsovie ou bien une page du manuscrit de 1480 est conservée dans la bibliothèque Czartoryskich à Cracovie.
  Les connaissances confirmées par l’auteur sont importantes dans cet article. Elles montrent le manque d’objectivité de Dlugosz sur certains points malgré sa volonté de rester impartial. Ces Annales sont l’une des rares sources descriptives de l’époque. Elles permettent une meilleure compréhension des personnages historiques du Royaume de Pologne ainsi que de ses enjeux politiques et militaires.   

URL de l’article :
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Alicja Lefevre
Master 1 EAD Histoire des mondes antiques et médiévaux.
Mémoire d’histoire médiévale sous la direction de Marie Favereau.

[1] Koczerska Maria, « L’amour de la patrie et l’aversion pour la dynastie : Exemple de Jan Dlugosz, historiographe des Jagellon », Les princes et l’histoire du XIVe au XVIIIe siècle, 1998, p. 171‑180.

[2] Długosz Jan, Roczniki czyli Kroniki sławnego Królestwa Polskiego, trad. Julia Mrukówna, Warszawa, Państowe Wydawnictwo Naukowe, 1981, vol.10, 383 p.

[3] Koczerska Maria, « L’amour de la patrie et l’aversion pour la dynastie: Exemple de Jan Dlugosz, historiographe des Jagellon », Les princes et l’histoire du XIVe au XVIIIe siècle, 1998, p. 173.

[4] Długosz Jan, Roczniki czyli Kroniki sławnego Królestwa Polskiego, trad. Julia Mrukówna, Warszawa, Państowe Wydawnictwo Naukowe, 1981, vol.10, 383 p.

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