L’exposition temporaire du Louvre « Les Choses. Une histoire de la nature morte », à la rencontre d’une histoire de l’art de la représentation de la nature morte sur le temps long.

L’exposition temporaire organisée par le musée du Louvre « Les Choses. Une histoire de la nature morte », est un événement dans le monde de l’histoire de l’art car la manière dont le sujet est abordé, la nature morte, est inédite. Sans délaisser la définition traditionnelle de la nature morte, la commissaire de l’exposition propose d’inclure dans un vocabulaire plus général, « les choses », des œuvres allant de l’Antiquité à nos jours.

Après le succès de l’exposition « Pharaon des Deux Terres. L’épopée africaine des rois de Napata » (28 avril – 25 juillet 2022), le musée du Louvre inaugure une nouvelle exposition ambitieuse dans le hall Napoléon, lieu des expositions majeures de l’institution.

L’exposition « Les Choses » est un événement dans le monde de l’histoire de l’art. En effet, la manière dont le sujet est abordé est inédite. Alors que la nature morte est un genre souvent associé à l’art du XVII^e siècle, la nouvelle approche initiée par Laurence Bertrand Dorléac met l’accent sur une histoire de la nature morte sur un temps long. En d’autres termes, l’idée centrale de l’exposition est d’étudier les évolutions de ce type d’œuvre sur une chronologie étendue. Le titre même de l’exposition, « Les Choses », est engagé puisqu’il ouvre un débat déjà existant, celui de l’appellation du genre de la nature morte. Cette notion questionne : quelle(s) réalité(s) englobe-t-elle ? L’exposition tente d’y répondre en présentant aux visiteurs des œuvres allant de vestiges préhistoriques à des œuvres d’art contemporain. Des peintures de maîtres sont exposées. Nature morte avec pastèques, de Luis Egidio Meléndez (1716-1780) est une œuvre très importante, prêtée exceptionnellement par le musée du Prado. La peinture est d’ailleurs reproduite sur l’affiche de l’exposition. Plusieurs autres artistes importants de l’histoire de l’art sont représentés dans cette exposition. Citons, entre autres, Jean Baptiste Siméon Chardi, Adriaen Coorte et Louise Moillon. Ces artistes sont fréquemment associés à la nature morte, ce qui est moins le cas des haches préhistoriques ou des œuvres d’art contemporain comme L’Écureuil de Meret Oppenheim, 1969 (Collection Antoine de Galbert). Dans ce cadre, ce sont au total presque cent-soixante-dix œuvres qui sont exposées.

La célèbre huile sur toile de Vincent van Gogh, La Chambre de Van Gogh à Arles, réalisée en 1889, est habituellement conservée au musée d’Orsay, à quelques pas du Louvre. Ce prêt témoigne de la coopération entre les musées publics français. Le fait d’exposer cette œuvre dans cette exposition est tout à fait remarquable puisqu’elle est par conséquent associée au genre de la nature morte, ce qu’elle ne semble pas nécessairement être de prime abord. C’est aussi vrai pour une peinture de Manet, Le Citron, datée de 1880 et provenant des collections du musée d’Orsay. Des chefs-d’œuvre ont donc été prêtés à l’occasion de l’exposition par plus de soixante-dix institutions et collections privées.

L’exposition est intéressante car elle met en valeur un genre traditionnellement relégué au second plan de l’histoire de l’art : la nature morte. Au XVII^e siècle, avec la naissance des Académies royales et notamment en 1648 l’Académie royale de peinture et de sculpture, l’art est théorisé en France et devient soumis à des règles, qu’il s’agisse de peinture, de sculpture, d’architecture, de théâtre ou de poésie. En 1667, le Français André Félibien hiérarchise les genres de peinture. La peinture d’histoire est au sommet de l’art pictural. Le portrait est également valorisé, puis vient la peinture de paysage et enfin la nature morte. Cette dépréciation de la nature morte, bien que contestée dès les origines – notamment dans les Flandres et en Hollande où de célèbres artistes peignent des natures mortes –, a perduré dans les esprits des intellectuels de cette période jusqu’à nos jours, même si cela est parfois inconscient puisque l’héritage s’est inscrit de manière durable dans la culture occidentale. Cette exposition proposée par le musée du Louvre permet, par conséquent, de mettre en lumière un genre particulièrement riche et trop souvent laissé dans l’ombre d’autres œuvres.

Même si la peinture domine l’exposition, d’autres supports sont présents et sont justement originaux du fait de leur association à la notion de nature morte. C’est le cas par exemple de la sculpture et de la photographie. L’exposition s’organise de manière diachronique, autrement dit elle cherche à mettre en évidence les évolutions de la nature morte dans le temps. La commissaire de l’exposition focalise son attention sur trois périodes : la préhistoire et l’Antiquité, les XVI^e-XVII^e siècles et le XX^e siècle à nos jours. L’espace géographique étudié est large, comprenant des œuvres provenant de Chine, d’Égypte, de France, d’Italie, etc.

Plus généralement, cette exposition témoigne d’une volonté du musée, dirigé depuis septembre 2021 par Laurence des Cars, d’ouverture vers l’art contemporain. Les œuvres conservées dans les salles du musée du Louvre datent d’avant 1848, les suivantes sont exposées au musée d’Orsay et, pour les plus récentes, au musée national d’Art moderne (le Centre Pompidou) et au Palais de Tokyo. Avec cette exposition temporaire, des œuvres non seulement de la seconde moitié du XIX^e siècle mais aussi des XX^e et XXI^e siècles sont présentés aux visiteurs. Avant même d’entrer dans l’exposition, une œuvre monumentale est réalisée sous la pyramide de verre de Ieoh Ming Pei : Le Pilier des migrants disparus, par l’artiste camerounais Barthélémy Toguo. C’est également peut-être un moyen d’inviter le visiteur à prendre connaissance de l’existence de cette exposition dont le sujet suscite généralement moins l’intérêt du grand public, en dépit d’une importante publicité dans la presse.

Commissariat de l’exposition

Le commissariat de l’exposition est assuré par Laurence Bertrand Dorléac. Historienne de l’art, ses domaines de recherches sont vastes. Elle s’est d’abord spécialisée dans le rapport entre l’histoire de l’art et la politique, notamment avec sa thèse intitulée Art, culture et société : l’exemple des arts plastiques à Paris entre 1940 et 1944 et soutenue en 1990 sous la direction de Pierre Mizla. Depuis quelques années, elle s’intéresse aux natures mortes. C’est dans ce contexte qu’elle est devenue commissaire de l’exposition avec cette carte blanche du musée du Louvre. Il s’agit de sa cinquième exposition et de sa première au Louvre. Pour l’organisation de cet événement, Laurence Bertrand Dorléac collabore avec Dimitri Salmon et Thibault Boulvin.

Accès

Musée du Louvre, Rue de Rivoli, 75001 Paris, France

12 octobre 2022 – 23 janvier 2023

Ouvert de 9h à 18h, sauf le mardi.

Paul Lavieille

Master 1 EAD Histoire des civilisations anciennes et médiévales

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