Cet article n’est pas un simple compte-rendu de lecture. C’est aussi une tentative de restitution de la présentation de cet ouvrage faite par Vincent Lemire lui-même lors d’une conférence aux Rendez-vous de l’histoire de Blois d’octobre 2022. J’espère qu’il vous donnera envie de le lire tout comme ça a été le cas pour moi. L’ouvrage, édité par Les Arènes, est destiné d’après l’auteur à un public de 8 à 88 ans.

Né en 1973, Vincent Lemire est maître de conférences à Paris-Est Marne-la-Vallée. Il publie en 2010 La soif de Jérusalem, Essai d’hydrohistoire (V. Lemire, La soif de Jérusalem, Essai d’hydrohistoire, Publications de la Sorbonne, Paris, 2010), tiré de sa thèse de 2006. Plus récemment, en 2016, il dirige un collectif publié chez Champs/Flammarion, Jérusalem, histoire d’une ville-monde des origines à nos jours (Lemire (dir), Jérusalem, histoire d’une ville-monde, Flammarion, Champs-histoire, Paris, 2016). Peu après la parution de cet ouvrage de 540 pages, les éditions Les Arènes lui proposent de faire une histoire de Jérusalem en bande-dessinée. Il met de nombreux mois à se décider, finit par trouver le projet intéressant et, bien que différent de ses travaux antérieurs, décide de s’y consacrer. La mise en place de ce projet met encore de nombreux mois. Comment résumer plus de 3 000 ans d’histoire dans un ouvrage de bande dessinée  ?

Il lui faut d’abord trouver un découpage pertinent. L’ouvrage de 250 pages est ainsi  construit en 10 chapitres chronologiques et toutes les périodes sont  traitées : la Jérusalem chrétienne, ottomane… Il lui faut aussi trouver un dessinateur. Avec son éditrice, le choix se porte sur Christophe Gaultier. Problème : ce dernier n’est jamais allé à Jérusalem. Chose rare, son éditrice permet au dessinateur de faire un séjour de 10 jours à Jérusalem avec l’auteur. Cela leur permet de parcourir la ville  que Vincent Lemire, lui, connait très bien. Ensemble, ils prennent plus de 6 000 photos, comme autant de points de vue sur la ville destinée à être transcrit en images. En effet, Vincent Lemire veut une bande dessinée  qui soit également un livre d’histoire. Tous les dessins doivent donc refléter l’urbanisme de Jérusalem et l’architecture des bâtiments. S’en suit le dialogue inhérent aux couples auteur/dessinateur : s’accorder pour chaque chapitre sur ce qui doit être dit et montré. Rien n’est laissé au hasard. Le choix de chaque vignette est pesé et le résultat est très équilibré.

Comme tout bon historien, Vincent Lemire cite aussi ses sources. Ce point lui est très cher. Ainsi, tous les dialogues de l’ouvrage sont tirés de sources bien attestées, et les références de celles-ci figurent en bas de page comme dans tout bon livre d’histoire. Une bibliographie en fin d’ouvrage permet aussi au lecteur d’aller plus loin. Cet aspect du livre m’a beaucoup plu. Ainsi, un lecteur attentif pourra aller vérifier certains points dans les sources pendant que les plus jeunes pourront se laisser bercer par cette histoire-fleuve de Jérusalem. La narration est purement chronologique mais de nombreuses vignettes sont conçues comme des arrêts sur images, des focus sur des points archéologiques par exemple, toujours avec cette idée essentielle de ne pas oublier les sources. D’ailleurs, les découvertes historiques les plus récentes sont intégrées à l’ouvrage, comme l’évocation de la destruction du quartier maghrébin dans la nuit du 10 au 11 juin 1967.

Reste maintenant l’essentiel : trouver le narrateur de cette vaste histoire. Vincent Lemire aurait pu faire le choix de ne pas avoir de narrateur, et juste raconter par un regard omniscient l’histoire de Jérusalem. Il n’a pas retenu ce choix car il a voulu que son ouvrage soit accessible au plus grand nombre et soit le plus vivant possible. Qui donc pour faire office de narrateur ? De nombreuses possibilités ont vu le jour avant que ne commence la rédaction de l’ouvrage qui mit plusieurs années (6 ans). Une des premières idées est le dieu de tous les monothéismes, qui, par sa vue omnisciente, peut bien sûr tout savoir de Jérusalem. Il revient ensuite à son sujet de thèse sur Jérusalem par son hydrographie et pense au cheminement d’une goutte d’eau dans Jérusalem, qui peut déambuler dans la ville, jusque dans les maisons. Idée intéressante mais qui s’avère compliquée à mettre en œuvre.  Vincent Lemire a ensuite la formidable idée d’un chat. Il y a beaucoup de chats à Jérusalem. Ils ont l’avantage de pouvoir se faufiler partout. Mais l’idée n’a malheureusement pas été retenue. Joann Sfar et son Chat du rabbin étant passés par là.  Lui vient alors l’idée de faire raconter cette histoire par un olivier (qui se situe sur le Mont des Oliviers bien entendu).

Vincent Lemire nous livre un véritable ouvrage d’histoire que, pour ma part, je prends comme une excellente introduction à une étude plus approfondie de l’histoire de Jérusalem.

Pierre Plumelet

Master 1 EAD Mondes anciens et médiévaux

Mémoire d’histoire ancienne sous la direction de Frédéric Hurlet

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