A travers l’exposition « Narbo Martius : Renaissance d’une capitale », le musée Narbo Via invite le public à découvrir une reconstitution en images de synthèse de la cité de Narbonne durant le Haut-Empire romain, sous la direction de l’archéologue Marc Azéma. Au-delà de la présentation de ce travail, l’exposition propose un panorama des différentes techniques de reconstitution et de leur histoire, mais aussi un questionnement sur ce processus et ses relations avec la recherche.

Le musée Narbo Via a ouvert ses portes en 2021. Son objectif : permettre aux visiteurs de découvrir la cité romaine antique de Narbo Martius en mettant en valeur les documents archéologiques qui ont été récoltés jusqu’à ce jour.

Narbo Martius est la première colonie fondée en Gaule, en 118 avant J.-C., sur le tracé de la via Domitia, route romaine de grande importance stratégique et commerciale, permettant de se rendre jusqu’en Italie. Avant l’arrivée des Romains, le site était occupé par le peuple autochtone des Elisyques. Après la conquête des Gaules, César procède à une seconde fondation de la colonie en 45 avant J.-C.. En 22 avant J.-C., la province de Narbonnaise est créée et Narbo Martius en devient la capitale.

Très peu de vestiges monumentaux ont résisté à l’épreuve du temps et sont aujourd’hui visibles. Pourtant, Narbo Martius était une cité prospère et perçue comme telle par nombre d’auteurs qui en ont vanté la beauté, tels Ausone ou Sidoine Apollinaire dans l’Antiquité tardive.

Une quantité importante de documents archéologiques a toutefois été exhumée et a permis de faire avancer la recherche. On peut notamment citer une vaste collection lapidaire, aujourd’hui mise en valeur sous la forme d’un immense mur évoquant un magasin d’archives, dans le parcours permanent du musée. L’installation est dotée d’un système de manipulation des blocs de pierre permettant de minimiser les risques de détérioration lorsqu’il est nécessaire de les sortir du rayonnage pour les étudier ou les restaurer.

Sont également présentées, entre autres, les peintures murales découvertes sur le site du Clos de la Lombarde, situé également à Narbonne, qui correspond à l’emplacement d’une domus, c’est-à-dire d’une maison privée urbaine.

Jusqu’au 31 décembre 2022, le musée accueille l’exposition temporaire « Narbo Martius : Renaissance d’une capitale ». Le projet consiste en une reconstitution de la cité romaine, notamment grâce aux techniques les plus récentes d’images de synthèse.

Dès le début de l’exposition, une clarification est effectuée : il ne s’agit pas de montrer la vérité absolue sur l’aspect de la cité antique, impossible évidemment à établir, mais de présenter l’état de la recherche sur le sujet à l’heure actuelle. Toutefois, on ne peut nier la part laissée à l’imagination, inhérente à l’aspect artistique de ce type de démarche. La reconstitution s’appuie sur tous les éléments dont dispose la science à propos du site de Narbo Martius, mais aussi sur une comparaison avec d’autres cités romaines.

La reconstitution peut prendre plusieurs formes et utiliser divers vecteurs, illustrés au fil de l’exposition.

Les reconstitutions par le dessin sont anciennes : depuis le XVIIe siècle, les érudits ont par exemple donné leur vision du Capitole de Narbo Martius, en s’appuyant sur les sources littéraires mais aussi sur des monuments analogues ayant pour leur part été conservés, comme la Maison Carrée de Nîmes. Jérôme Lafont (1658-1726) fut le premier à réaliser une telle œuvre, s’inspirant des descriptions qu’il avait pu lire chez Ausone, poète du IVe siècle. Plus récemment, les travaux en la matière de Jean-Claude Golvin, architecte et archéologue pratiquant la peinture à l’aquarelle, sont fondamentaux. Ils peuvent notamment être découverts dans la bande dessinée Quadratura, qu’il a réalisée avec Chantal Alibert, historienne spécialiste de Narbonne.

La restauration des œuvres est également une forme de reconstitution. L’exposition rappelle les règles à observer en la matière afin de limiter les risques de détérioration et le souci de plus en plus prégnant de fidélité à l’œuvre originale et à son contexte de création.

Les outils numériques permettent d’élargir considérablement le champ des possibles. Grâce notamment aux scanners 3D, par exemple, le musée peut transmettre à un chercheur travaillant à l’autre bout de la France une copie numérique d’une œuvre, ce qui est un gain de temps considérable. De nouvelles formes de médiation avec le public peuvent aussi être envisagées : une copie réalisée à l’aide d’une imprimante 3D pourra être appréhendée par le toucher, ce qui est totalement impossible avec une œuvre d’origine.

Une partie de l’exposition est consacrée aux maquettes, forme ancienne de reconstitution et toujours appréciée malgré le fait que ces objets peuvent rapidement devenir obsolètes en fonction de l’avancée de la recherche. Le visiteur peut ainsi admirer une maquette des thermes du Clos de la Lombarde et, en parallèle, une maquette des thermes de Caracalla à Rome, ce qui offre une comparaison immédiate et visuelle des échelles.

La reconstitution par l’expérimentation des pratiques est également un outil pour la recherche à part entière. L’exemple des combats de gladiateurs est significatif : la restitution des gestes et l’utilisation des équipements permet de réfuter certaines hypothèses. En effet, quoi de mieux, pour affiner la connaissance de la fonction d’un objet, que de s’essayer à sa manipulation ?

L’élément central de l’exposition est le film Narbo Martius, la fille de Rome, réalisé par Marc Azéma, archéologue et réalisateur de documentaires cinématographiques, par ailleurs directeur artistique de l’exposition. Grâce à des images de synthèse et à la participation de figurants, le film propose une déambulation dans la cité reconstituée, à travers des lieux emblématiques tels que le port, le forum et le temple du Capitole, mais aussi une mise en scène de la vie privée au sein d’une domus. Dans une ambiance immersive, le spectateur découvre la vie quotidienne des habitants.

Enfin, l’exposition propose une ouverture sur la culture pop à travers les reconstitutions telles qu’elles peuvent être utilisées par les jeux vidéo ou le cinéma.

Cette exposition présente un point de vue original et permet, à travers le choix muséographique de la reconstitution, d’embrasser de nombreux aspects de l’histoire de la cité et de la civilisation romaine en général. L’intérêt pour le public réside aussi dans le caractère éminemment visuel et spectaculaire ainsi que dans la qualité artistique des éléments proposés. Enfin, le visiteur est amené à s’interroger sur le processus même de reconstitution : à partir de quelles sources ? Sur quel support ? Dans quel but ? En fin de compte, la reconstitution constitue à la fois une finalité de la recherche et un outil pour y contribuer.

Jody CIEUTAT

Master 1 EAD Histoire des civilisations anciennes et médiévales

Informations pratiques

Musée Narbo Via, 2 avenue André Mècle, 11100 Narbonne

Ouvert de 11h à 18h. Fermeture hebdomadaire le lundi.

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