Le film Simone, Le Voyage du Siècle est sorti le 12 octobre et dresse le portrait de Simone Veil qui a fortement marqué la société française de la seconde moitié du XXème siècle. Si son nom reste attaché à la loi pour la légalisation de l’IVG, on découvre également sa lutte pour humaniser les prisons françaises des années cinquante ou son action aux côtés des malades du sida ou des toxicomanes, probablement moins connues. C’est aussi un parcours de vie marqué par la déportation dans les camps de la mort nazis, filmés de manière très réaliste par la caméra d’Olivier Dahan. En filigrane de ces drames historiques ou des combats politiques, l’intérêt de ce film réside aussi dans le regard sans concession qu’il jette sur la place de la femme au sein de la société française de l’époque et dont Simone Veil a, par sa pugnacité, fait largement bouger les lignes. Enfin, la dimension narrative, faite d’alternance entre différentes périodes temporelles, comme le soin apporté aux costumes, aux décors ou aux accessoires renforcent la dimension historique du film. 

Avec Simone, Le Voyage du Siècle, Olivier Dahan¹ signe un film d’une rare intensité sur la vie de Simone Veil. Plus qu’un simple biopic centré sur cette figure marquante des cinquante dernières années, ce film sorti le 12 octobre dernier illustre en effet des temps forts qui ont dessiné la société française et européenne. Le film se déroule ainsi de la seconde guerre mondiale et l’horreur des camps, filmée avec un grand réalisme, à la déferlante du Sida au tournant des années quatre-vingt, en passant évidemment par le combat mené pour l’IVG (Interruption Volontaire de Grossesse) au début des années soixante-dix, dont la violence des débats à l’Assemblée est magistralement rendue par le cinéaste. 

Moins connu que sa lutte pour la légalisation de l’avortement, on découvre également son action contre la violence en milieu carcéral français de la fin des années cinquante, occasion de jeter une lumière nouvelle sur l’humanisme de celle qui deviendra ministre de la Santé mais aussi sur sa pugnacité, sa force de caractère et son engagement. Cet engagement la mènera jusqu’à la Présidence de l’Assemblée Européenne où là encore, au travers notamment du drame bosniaque, sa force de conviction contre la barbarie, la souffrance ou l’injustice s’affirme plus que jamais comme une valeur cardinale de son action.  

Outre ces aspects historiques marquants, par ailleurs très bien rendus tant sur le plan cinématographique que narratif, les 2 heures 20 du film (dont on ne sent d’ailleurs à aucun moment la longueur) sont parcourus par un fil rouge moins flagrant, plus ténu mais qui semble être le combat de toute une vie : celui du droit des femmes dans une société dominée par les hommes. Si la loi sur l’IVG est la figure de proue de cet engagement, il faut également noter combien, à toutes les étapes de sa vie, Simone Veil a pu être, elle-même ou les femmes qui l’entourent, en butte à la misogynie de l’époque. Il en va ainsi de sa mère dont on comprend qu’elle a été contrainte, « par les convenances » comme elle le dit elle-même, de ne pas travailler ; c’est ensuite Simone Veil qui s’oppose à son mari, ce dernier n’imaginant pas qu’une femme « convenable », ainsi qu’il le dit, puisse être avocate. Jeune magistrate, inspectrice des prisons, elle a à subir les remarques vexatoires de son supérieur ou des directeurs des établissements pénitentiaires qu’elle visite, jusqu’aux remarques sexistes glissées dans la salle des quatre colonnes de l’Assemblée nationale par un Jacques Chirac plus vrai que nature. C’est aussi là une vertu historique de ce film que de montrer combien la place de la femme dans la société de la seconde partie du XX^ème siècle a évolué en partie grâce à l’action remarquable de cette grande figure du combat pour les droits des femmes. 

Moins dans son fond que dans sa forme, on notera également une autre qualité de ce film : son mode narratif qui fait alterner les séquences temporelles non pas de manière chronologique mais par des sauts successifs entre différentes périodes (depuis l’avant seconde guerre mondiale jusqu’aux années deux mille). A aucun moment, on ne se sent perdu dans cette narration qui se joue des années. Bien au contraire, cette composition en forme de puzzle est pleinement au service du récit et met ainsi d’autant mieux en valeur le parcours de cette femme en résonnance avec les grandes tensions de son époque. Finalement, cet artifice cinématographique sert en tout point le discours historique de ce long métrage.  

Enfin, on ne peut parler de ce film sans noter la performance de la pléiade d’acteurs réunis devant la caméra d’Olivier Dahan. Ils sont en effet tous parfaitement imprégnés de leur personnage, sans jamais que derrière ces derniers ne transparaisse la personnalité du comédien, parfois même méconnaissable. Il faut pour finir souligner également le travail de précision et de justesse singulièrement remarquable sur les décors, les costumes ou les accessoires qui rend compte de manière magistrale des époques traversées ou des lieux parcourus. 

On sort de ce film marqué par les convictions de Simone Veil et la force déployée pour mener ses combats mais aussi par ce parcours de vie remarquable, fait d’effroyables souffrances et de réussites exemplaires, de valeurs humanistes et de bonheurs simples. 

 

Simone, Le Voyage du Siècle, un film d’Olivier Dahan, avec Elsa Zylberstein, Rebecca Marder, Élodie Bouchez, Judith Chemla, Olivier Gourmet, Mathieu Spinozi, Sylvie Testud, Philippe Torreton- 2h20 – Sortie le 12 octobre 2022 

Bande annonce : [https://www.allocine.fr/video/player_gen_cmedia=19597263&cfilm=271339.html] 

 

Vincent Leglaive
Étudiant en Master 2 – Sociétés Modernes et Contemporaines dans la Mondialisation
Mémoire de recherches en histoire contemporaine sous la direction de Xavier Vigna

 

1. Simone, Le Voyage du Siècle, un film d’Olivier Dahan, avec Elsa Zylberstein, Rebecca Marder, Élodie Bouchez, Judith Chemla, Olivier Gourmet, Mathieu Spinozi, Sylvie Testud, Philippe Torreton- 2h20 – Sortie le 12 octobre 2022 

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