La bande dessinée Une farouche liberté : Gisèle Halimi, La cause des femmes, parue aux éditions Steinkis le 6 octobre 2022 dresse un portrait original de l’avocate Gisèle Halimi, entrée dans l’histoire pour son combat en faveur du droit des femmes dans nos sociétés contemporaines : droit à l’avortement, parité, répression du viol, notamment au travers du prisme de la colonisation française et plus largement celui de la société tunisienne et française du milieu du XXème siècle. La bande-dessinée met en exergue le parcours personnel et professionnel de Gisèle Halimi, de sa naissance en Tunisie, avec ce constat qu’elle a pu faire dès sa naissance : une femme n’a pas les mêmes droits que les hommes. Toute sa vie, Gisèle Halimi va lutter pour que ce constat ne soit pas une fatalité en menant un combat avec une arme permettant la pleine reconnaissance de la société : le droit. La bande dessinée permet en outre d’apporter un nouveau regard sur cette femme d’exception et d’aborder le sujet différemment avec en plus des mots, des illustrations réalisées avec talent, qui permettent au lecteur une visualisation plus efficace des moments forts de son histoire. 

La bande dessinée est basée sur l’ouvrage éponyme co-dirigé par Gisèle Halimi publié aux éditions Grasset en 2020, de son vivant. L’écriture a été réalisée avec la journaliste Annick Cojean, grand reporter au journal le Monde.  

Les premières pages font état d’une anecdote largement partagée par la principale intéressée lors de ses diverses interviews : son père attend trois semaines avant d’annoncer sa naissance à tous pour la simple et bonne raison que c’est une fille. Cette anecdote est structurante pour Gisèle Halimi qui comprend dès son plus jeune âge les assignations de genre souhaitées par ses parents, notamment sa mère qui est fille de rabbin et très pratiquante. Elle lutte avec ses parents pour pouvoir faire des études car n’aspire plus à être à rester en cuisine. Dès son plus jeune âge on observe au travers de notre lecture la volonté d’émancipation de la condition qui lui est réservée dans son cercle familial le plus proche. Beaucoup de thèmes sont abordés dans sa jeunesse tels que le rapport à la religion et la défiance dont elle a fait preuve envers celle-ci, ou encore le mariage arrangé dont elle a failli être victime. Le descriptif donne une perspective de son enfance intéressante sur sa condition de femme dans la Tunisie des années trente. 

On retrouve tout au long de cette bande dessinée les procès emblématiques qui ont fait la carrière de l’avocate dont le procès de Djamila, un agent du FLN accusée d’avoir posé une bombe et dont les aveux ont été extorqués sous la torture. Le procès doit sa médiatisation à une tribune rédigée par Simone de Beauvoir dans Le Monde qui a fait connaitre l’existence de l’affaire au grand public français et permis d’aborder le sujet de la torture de prisonniers et d’en débattre mais aussi et surtout aux femmes du monde entier de se mobiliser pour cette femme. Également, la bande-dessinée aborde le procès très médiatisé de Marie-Claire Chevalier, lycéenne victime de viol, enceinte de son agresseur. Le violeur avait demandé une condamnation plus clémente en tentant de dénoncer sa victime aux forces de l’ordre qui avait eu recours à l’avortement – illégal en 1972. Suite à cette dénonciation, Marie-Claire, sa mère et deux de ses collègues qui l’ont aidée à avorter ont été arrêtées par la police.  En outre, quelques autres moments historiques ont été immortalisés dans cette œuvre, comme sa rencontre avec Charles de Gaulle pour demander la grâce d’un de ses clients avec une anecdote aussi largement reprise où le chef de l’état lui demande s’il doit s’adresser à elle en employant « madame » ou « mademoiselle » où elle lui répond « appelez-moi maitre ». En outre, on note un fil rouge dans le déroulé du récit qui est fait de la vie de Gisèle Halimi : sa vie privée et ses combats sont liés. En effet, elle prend la tête du mouvement pour la légalisation de l’avortement en France – ayant elle-même été signataire du manifeste des 343 femmes ayant déclaré avoir avorté paru dans le magazine Le Nouvel Observateur le 5 Avril 1971.    

Cette bande-dessinée, par le biais des illustrations de Sandrine Revel, nous permet de nous imaginer plus aisément les situations vécues par la principale protagoniste et amène le lecteur à découvrir ou à se souvenir de la vie de l’avocate mais aussi se souvenir de ce que nous lui devons grâce à ses soixante-dix ans de combats pour le droit des femmes. 

 

Mylène Boutonnet-Tranier
Étudiante en Master 1 – Sociétés modernes et contemporaines dans la mondialisation
Mémoire de Recherche en histoire contemporaine sous la direction de Laure Machu

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