La Chaîne Parlementaire (LCP, canal 13 de la TNT) a diffusé en décembre le documentaire en trois épisodes Goulag, une histoire soviétique de Patrick Rotman (réalisateur de L’ennemi intime. Violences dans la guerre d’Algérie en 2002, et créateur de l‘émission Les brûlures de l’Histoire diffusée dans les années 1990 sur France 3) co-écrit par Nicolas Werth (ex-directeur de recherche à l’Institut d’Histoire du Temps Présent, spécialiste de l’URSS et auteur notamment de La Route de la Kolyma publiée chez Belin en 2012). 

Le premier épisode (Origines 1917-1933, disponible en VOD) revient sur la naissance du système concentrationnaire soviétique, pensé dès 1917 pour soumettre par la force toute opposition et assurer le succès de la Révolution. La coercition est en effet un moyen pour le nouveau pouvoir bolchevik d’asseoir sa domination dans ce pays vaste comme un continent.

Des camps de concentration sont mis en place dès l’été 1918 et la Terreur rouge, sous l’égide de la Tchéka, la police politique du Parti, pour la déportation des opposants politiques et des « ennemis de classe » (nobles, bourgeois, religieux…). En parallèle, les condamnés de droit commun sont envoyés dans des camps de travail correctif, censé remplacer les prisons et permettre la réinsertion des délinquants dans la nouvelle société. Toutefois, la frontière entre ces deux types de camps est floue, beaucoup regroupent des prisonniers politiques et de droit commun.

La déportation, à partir de 1923 des opposants politiques jugés dangereux vers les îles Solovki, en mer Blanche, dans un ancien monastère orthodoxe vidé de ses occupants, va servir d’expérimentation aux principes d’organisation du goulag : la rééducation par le travail, dans des zones isolées et des conditions climatiques extrêmes. La ration alimentaire des détenus y est fixée en proportion du travail fourni, principe directeur du système concentrationnaire soviétique tout au long de son existence. La violence et l’arbitraire des gardiens sont érigés en règle, dans la négation de tous les principes du Droit, et les exécutions sommaires sont courantes.

En 1930, l’ensemble des détenus incarcérés sont déplacés vers des camps de travail, dont l’administration est confiée à la Guépéou, héritière de la Tchéka, qui créér à cette occasion la Glavnoïé oupravlénié laguéreï (Administration principale des camps) dont l’acronyme donnera le nom goulag. Ces camps revêtent alors une nouvelle fonction dans la course à l’industrialisation lancée par Staline : réaliser d’énormes travaux d’infrastructures en exploitant les détenus. Parmi les grands projets exploitants cette main-d’œuvre dans des conditions extrêmes on peut citer le canal BBK reliant la mer Blanche à la mer Baltique réalisé en 1931 en un temps record, ou encore l’exploitation des gisements d’or de la Kolyma à l’extrême est de l’URSS. Les prisonniers sont réduits en esclavage et le taux de mortalité sur ces chantiers est très élevé.

Le goulag est caché et nié par les autorités soviétiques malgré les témoignages parus dès le milieu des années 1920 (en France Raymond Duguet publie dès 1927 Un bagne en Russie rouge : Solovki). La propagande soviétique répond en tournant des films de propagande mettant en scène des détenus joyeux et organisant des visites guidées cachant la réalité des conditions de travail et de vie des prisonniers (ce qu’on pourrait appeler des « camps Potemkine »).

Les témoignages d’anciens déportés ont été tournés par l’ONG russe Memorial, qui lutte depuis la fin de l’URSS pour faire vivre la mémoire des victimes du Goulag.

Pour aller plus loin : (ré)écouter Patrick Rotman dans la Grande table Idées de France Culture (février 2020). Pour en savoir plus sur l’ONG Memorial : une interview de Nicolas Werth dans le magazine L’Histoire / le site internet de sa branche française.

Les trois épisodes sont disponibles en DVD et VOD sur le site d’Arte.

 Raphaël Lamiral
Master 1 Les sociétés modernes et contemporaines dans les mondialisations
Mémoire réalisé sous la direction de Raphaëlle Branche

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