I primi Antifascisti, Politica e violenza tra storia e storiografia est un ouvrage de l’historien italien Andrea Ventura qui nous propose de voir les événements de l’été 1921, I Fatti di Sarzana, comme les précurseurs de la longue lutte antifasciste qui suivra dans les années de la dictature. Les autorités de Sarzana, petite ville de la Ligurie traditionnellement engagée dans les luttes politiques et sociales, se défendent victorieusement des assauts armés des squadristes fascistes avec l’aide d’un comité de défense prolétaire. En s’appuyant sur une abondante bibliographie et en ayant recours à de nombreuses sources archivistiques, l’auteur nous raconte avec précision cet événement et ses influences sur l’histoire italienne et sur le mouvement antifasciste. 

Andrea Ventura est un historien contemporanéiste italien spécialisé dans les questions de l’origine du fascisme et de l’antifascisme de 1919 à 1926, et plus particulièrement au sein de la région Toscane. Il est directeur de l’ISREC (Istituto Storico della Resistenza e dell’Età Contemporanea in provincia di Lucca) et enseignant-chercheur en histoire. Sa thèse de recherche, qui par la suite a été enrichie pour être publiée, avait pour objectif d’éclairer l’évènement I fatti di Sarzana. Le 21 juillet 1921 à Sarzana, ville ligure de 13289 habitants[1], cinq cents fascistes lourdement armés viennent libérer des militants emprisonnés après des actes de violence réalisés les jours précédents. Cependant la population, fédérée autour de l’organisation antifasciste Gli Arditi del Popolo, résiste et repousse l’assaut du groupe paramilitaire fasciste. L’épisode est considéré comme l’une des premières résistances des forces antifascistes. Ce projet d’étude d’Andrea Ventura sur cet évènement est publié sous le titre I Primi Antifascisti, Politica e violenza tra storia e storiografia[2] avec la maison d’éditions Gammarò Editori en 2010.

L’ouvrage de 230 pages est composé de 9 chapitres chronologiques et thématiques. L’auteur démarre avec trois chapitres introductifs qui nous mènent à l’évènement en question. Il nous mentionne le contexte politique national au cours des mois précédant l’été 1921 avec la croissance des violences fascistes et les difficultés des opposants à s’organiser pour les contrer. A partir de ce constat il développe son étude avec un cadre focalisé sur l’histoire politique et sociale de Sarzana, renommée comme « Sarzana la rossa »[3]. Un territoire très politisé et militant dès la fin du XIXème siècle dans lequel le fascisme a de réelles difficultés à pénétrer au sein de la politique locale même en ayant recours à l’illégalité avec les intimidations et la violence. L’auteur nous illustre au cours des premiers chapitres l’histoire de Sarzana et de l’Italie précédant les faits, de la . Cette histoire est reconstruite autour d’un regard détaillé sur les mouvements sociaux et politiques au sein d’une société en constante évolution. Dans la seconde partie de l’ouvrage l’historien précise le déroulement des évènements qui débutent à partir du printemps 1921 avec les premières violences squadristes. Tout d’abord en montrant la première expédition punitive du 17 juillet au cours de laquelle environ 150 fascistes dirigés par Renato Ricci[4] viennent en direction de Sarzana. Les organisations populaires et les forces de l’ordre réussissent à freiner les violences et emprisonnent 11 fascistes et Ricci. A partir de ce moment les antifascistes de Sarzana se savent en sursis et organisent une défense de nature militaire en prévoyant un assaut plus consistant des forces fascistes. Assaut qui a lieu le 21 juillet 1921 avec l’arrivée par le train de 500 fascistes fortement armés, provenant de toute la Toscane voisine et demandant la libération des fascistes emprisonnés avec la pression des armes. Les forces de l’ordre de Sarzana refusent de se soumettre aux pressions et les fascistes commencent à tirer. Ces derniers se retrouvent très vite dépassés par les Carabinieri et les groupes armés antifascistes. Les nombreux fascistes se retrouvent à devoir fuir et perdent la bataille. L’échec fasciste a d’importantes répercussions politiques que l’auteur s’applique à détailler avec des documents, nombreux et variés, extraits des archives. Pour clore son ouvrage, l’auteur réalise une description détaillée des acteurs de l’organisation prolétaire Arditi del Popolo. Malgré de riches références biographiques et archivistiques on peut regretter de cet ouvrage l’absence totale d’informations quant au rôle des femmes au sein de ces évènements.

Les dynamiques et les scenarios de l’événement sont justifiés par plusieurs types de sources écrites. L’auteur utilise principalement les archives publiques italiennes avec les archives communales de Sarzana et les archives nationales des villes de Gênes, La Spezia et Massa. Dans ces archives il prend des informations, sur la période étudiée, notamment au sein des fonds de la Préfecture de police, du tribunal civil et pénal et de la Questure des quatre villes précédemment citées. Grâce à ces documents institutionnels il arrive à reconstruire précisément les événements et leurs participants. Il a par ailleurs recours à la presse locale et régionale de l’époque. On peut citer Il Cavatore, organo della Camera del lavoro di Carrara e provincia, 1919-1920, le journal de la bourse du travail de la ville voisine, Carrare. Ces deux types de documents extraits des archives sont insérés très régulièrement dans l’ouvrage avec une moyenne d’un extrait toutes les deux pages afin d’illustrer les arguments qu’il avance.

L’objectif de la recherche de l’auteur est de convaincre son lectorat de l’importance de cet évènement advenu à Sarzana sur l’ensemble de l’histoire nationale italienne en annonçant les prémices de la résistance antifasciste. En se basant sur cette riche documentation archivistique et sur l’historiographie existante, il démontre que les violences des squadristes fascistes pouvaient être réprimées et contrôlées par les autorités comme l’illustre l’exemple des événements de Sarzana. Il réussit à montrer à travers les documents extraits des archives la complaisance et la tolérance envers le fascisme que pouvaient avoir les représentants locaux de l’État Italien. L’exemple du vice-questeur de Massa met en avant cette complaisance en laissant passer les fascistes armés : « Il Vice Questore telefonava che, qualora si fossero allontanati in piccoli gruppi, li avessero lasciati andare »[5][6]. Cet événement est resté ancré dans les mémoires et a servi d’idéal pour les nombreux résistants au fascisme et au nazisme de la région dès la fin de 1943. L’événement est encore d’actualité et est cité régulièrement au sein de la politique italienne. Par exemple quelques jours avant l’investiture de la Présidente du conseil italien Giorgia Meloni, l’opposant politique Enrico Letta cite les évènements de Sarzana comme exemple de défense de l’État face aux menaces.

Hugo Lejeune

M1 EAD Histoire sciences sociales du politique

Mémoire de recherche sous la direction de Xavier Vigna

 

[1] Donnée extraite de l’ISTAT, l’institut national italien de statistique.

[2] « Les premiers Antifascistes, Politique et violence entre histoire et historiographie. ».

[3] Andrea Venturi, I Primi Antifascisti, Politica e violenza tra storia e storiografia, Sestri Levante, Gammarò Editori, 2010, p. 50.

[4] Ras de Carrare, ville voisine de Sarzana, et proche de Mussolini.

[5] « Le commissaire adjoint de la police a téléphoné que s’ils partaient en petits groupes, ils les laisseraient partir ».

[6] Andrea Venturi, I Primi Antifascisti, Politica e violenza tra storia e storiografia, Sestri Levante, Gammarò Editori, 2010, p. 112.

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