Ce livre est la version remaniée de la thèse d’Hadrien Collet, soutenue en 2017. Il se veut comme une porte d’entrée sur les différents savoirs accumulés concernant le Mālī médiéval. L’ouvrage est structuré en trois grands pôles historiographiques. L’originalité de l’ouvrage est de partir du présent afin de remonter le passé, à la manière d’un archéologue dégageant les couches successives lors d’une fouille.

En 2013, François-Xavier Fauvelle publie Le Rhinocéros d’or, histoire du Moyen-âge africain, grand succès de librairie récemment réédité. Depuis, il a été élu en 2018 à la tête de la 1re chaire consacrée à l’histoire de l’Afrique au Collège de France. Hadrien Collet lui emboite le pas confirmant le nouvel intérêt pour l’histoire africaine. H. Collet commence son ouvrage par la période contemporaine (XIXe – XXe siècle) sous forme d’un compte-rendu érudit de l’historiographie récente. Il se penche ensuite sur la période moderne en explorant les XVIIe et XVIIIe siècles puis il termine enfin par l’étude historiographique de l’Islam médiéval. 

Dans son introduction, Hadrien Collet commence par expliquer l’orthographe avec les deux barres sur le a et le i, afin de différencier le sultanat du pays actuel, qui couvre en plus un espace géographique quelque peu différent. Il pose ensuite la question de la notion d’empire appliquée au sultanat du Mālī la notion d’empire telle qu’elle est développée par Gabriel-Martinez-Gros, reprenant la théorie de l’histoire d’Ibn Khaldûn. Il engage ensuite un questionnement historiographique sur le terme de « Moyen-âge médiéval ». 

Si au début du XXe siècle, ce sont les historiens occidentaux qui sont le plus présent et se posent majoritairement la question de l’emplacement de la capitale du sultanat (toujours incertaine), les historiens ouest-africains deviennent plus actifs à partir des années 1960, ou tout du moins plus visibles. La création de la revue Présence africaine en 1947 par Alioune Diop y a sans doute contribué. Les grands africanistes et intellectuels de l’époque (tels que Théodore Monod et Léopold Senghor par exemple) s’y donnent rendez-vous. Passage obligé, Hadrien Collet fait nécessairement le point sur le controversé Cheikh Anta Diop, historien ouest-africain des décennies 1950 et 1960 et revient sur ses thèses à propos de l’Egypte noire et les civilisations « nègres ». Hadrien Collet, explique l’importance d’évoquer les grandes lignes de sa pensée et de ne pas réduire sa réflexion originale à ces seuls aspects polémiques. Il souligne notamment l’élan suscité parmi ses pairs africains pour l’étude de cette région. 

Hadrien Collet remonte ensuite le temps pour étudier la période moderne et le rapport de la région ouest-africaine à son passé médiéval. On apprend alors que ce n’est qu’à cette époque que remontent les premiers écrits sur le royaume du Mālī composés par des historiens d’Afrique de l’Ouest. C’est notamment à ce moment qu’apparaît le terme de sultanat du Mālī. C’est là que l’intérêt d’une histoire régressive prend tout son sens. La perception de ce phénomène ne serait sans doute pas la même si l’étude avait été menée dans un sens chronologique. 

Dans la dernière partie de l’ouvrage, ce qui est fascinant, c’est de constater que le corpus de sources contemporaines du Mālī médiéval représente seulement environ 600 pages. De plus, ces textes ont été composés par des historiens ou lettrés qui ne résidaient pas au Sahel mais en al-Andalus, en Afrique du Nord ou au Moyen-Orient (principalement des Mamelouks). La majorité des sources médiévales revient notamment sur le voyage en Orient de Mansa Musa, le plus célèbre souverain du Mālī, accompagné de toute sa cour. Les sources décrivent comment celui-ci fait un pèlerinage à La Mecque en 1324 et passe par l’Egypte. Le périple dure plusieurs mois. Si les sources de ce voyage sont au plus près des acteurs du royaume, le sultanat du Mālī, lui, demeure encore très loin physiquement. Comment parler d’un royaume dont on ne connait que ses représentants ? 

C’est le fil conducteur de cet ouvrage passionnant qui accorde une large place à l’historiographie, et comporte de nombreux extraits d’œuvres médiévales aussi bien que contemporaines, et donne ainsi l’occasion de replacer l’Afrique dans une histoire longue qui ne se limite pas à celle de la pré ou post-colonisation. 

 Pierre Plumelet 

Master 1 EAD Mondes anciens et médiévaux 

Mémoire d’histoire ancienne sous la direction de Frédéric Hurlet 

Hadrien Collet, Le sultanat du Mālī, Histoire régressive d’un empire médiéval, XXIe – XIVe siècle, CNRS Editions, 2022.

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