Du 9 décembre 2022 au 30 août 2023, le Mémorial de la Shoah illustre la période sombre de la seconde guerre mondiale telle que vécue en Belgique et particulièrement à Bruxelles, par l’entremise d’un personnage inhabituel : le groom Spirou, héros de la dernière tétralogie d’Emile Bravo, Spirou, l’espoir malgré tout. Originaux de l’auteur et objets d’époque, magazines pour enfants et documents administratifs, œuvres d’artiste bruxellois et lettres de déportés sont autant d’éléments qui jettent une lumière inhabituelle sur cet épisode dramatique du XXème siècle au travers de l’exposition Spirou dans la tourmente de la Shoah.

Habitué des pages du magazine éponyme depuis 1938, le personnage créé par Robert Velter et passé successivement entre les mains de multiples dessinateurs nous avait jusqu’alors habitué à des histoires pour le moins légères pour ne pas dire fantasques. Sous la plume d’Emile Bravo et au travers de quatre tomes parus ces dernières années sous le titre générique de Spirou, l’espoir malgré tout, c’est au cœur du second conflit mondiale, que le héros des éditions Dupuis nous plonge, avec un réalisme historique particulièrement fort. Mais il ne s’agit pas ici de revenir sur l’impressionnante épopée qui plonge, dès l’invasion de la Belgique le 10 mai 1940, le groom bruxellois dans la tempête du conflit européen au travers des magnifiques dessins du dessinateur français, mais plutôt de rendre compte de l’exposition qui est organisée, en marge de la parution récente du dernier tome, au Mémorial de la Shoah à Paris du 9 décembre 2022 au 30 août 2023, Spirou dans la tourmente de la Shoah.

Cette exposition allie habilement planches de bandes dessinées ou dessins originaux documents d’époques, exemplaires du magazine Spirou des années sombres et toiles ou dessins d’artistes bruxellois, figurines ou divers objets relatifs à ce héros de bande dessinée (dont des marionnettes du théâtre du Farfadet, alias Spirou) et interviews de l’auteur, documents administratifs et lettres de déportés. Si la bande dessinée, si fortement emprunte qu’elle puisse être de la violence de l’époque, pouvait passer, à une première lecture, pour une simple aventure du héros des éditions Dupuis, cette exposition offre une perspective nouvelle en la replaçant dans son contexte historique et artistique.

Historique car elle nous donne notamment à voir la réalité d’une époque où la censure touche jusqu’aux magazines pour enfants pendant l’Occupation, où, à la libération, certains auteurs sont mis à l’index pour suspicion de collaboration, comme cela est illustré pour Hergé dans un carnet qui signale ses accointances avec l’occupant. La richesse et la diversité des documents présentés permettent de mieux se rendre compte de la vie quotidienne à Bruxelles durant cette sombre période mais aussi de la mobilisation de certaines figures du magazine. Ainsi, Jean-Georges Evrard, alias Jean Doisy fameux scénariste de bandes dessinées mais également rédacteur en chef de Spirou durant la période, s’est particulièrement distingué par son engagement dans diverses organisations antifascistes dès les années trente.

Artistique aussi, car derrière Félix ou Felka, personnages centraux de ces aventures du groom belge, on découvre les artistes Félix Nussbaum, peintre juif allemand réfugié à Bruxelles, et sa femme Fleka Platek, artiste également. Le parallèle est là encore plus net entre l’œuvre dessinée et la réalité avec nombre d’œuvres originales, peintures, dessins, fusains, objets divers réalisés par les deux artistes, pour certains réalisés dans les camps où ils ont été déportés.

Loin d’être un simple prolongement de la bande dessinée et encore moins de sa mise en valeur d’un goût discutable au travers du drame historique qui s’est joué durant la période, cette exposition porte bien en elle une véritable dimension historique pour ceux qui s’intéressent à cette époque en adoptant le point de vue pour le moins inhabituel qu’est celui de la bande dessinée pour enfants. Mais n’est-ce pas là finalement la force des héros (même de bandes dessinées) qui ont su traverser les années que d’avoir la capacité d’interroger chacun d’entre nous, une fois devenus adultes (mais anciens lecteurs lorsque nous étions en culottes courtes), sur des questions aussi graves que celles évoquées par Spirou, l’espoir malgré tout ?

Exposition jusqu’au 30 août 2023, Mémorial de la Shoah, 17, rue Geoffroy-l’Asnier 75004 Paris, 3^ème étage, entrée libre.

 

Vincent Leglaive

Etudiant en Master 2 – Sociétés Modernes et Contemporaines dans la Mondialisation

Mémoire de recherches en histoire contemporaine sous la direction de Xavier Vigna

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