Vous connaissez tous la journée du 8 mars. Mais savez-vous qui a eu l’idée de créer une journée internationale du droit des femmes ?

Jeunesse et formation

Clara Zetkin est l’une des grandes amies de Rosa Luxembourg mais elle n’est pas aussi connue que cette dernière.

Clara Zetkin de son nom de naissance Clara Eisner, est née le 5 juillet 1857, à Wiederau, en République de Saxe. Elle est la fille de Gottfried Eisner et de Joséphine Vitale. Son père est instituteur. Sa mère est la fille d’un couple mixte franco-allemand. Bercée par les évènements de la Révolution française, Joséphine Vitale crée une association de gymnastes féministes. Ce couple de la classe moyenne donne à sa fille une éducation libérale et moderne. Grâce aux relations de ses parents, Clara Eisner poursuit des études supérieures et entre à l’Ecole d’Institutrices de Liepzig (ou Lerhrerinnenseminar). Le fondateur, Auguste Schmidt revendique l’égalité de droits entre les instituteurs et les institutrices. Il s’oppose aussi au nationalisme et prône l’ouverture vers d’autres pays notamment vers d’autres pays d’Europe. L’école enseigne les œuvres classiques allemandes mais aussi françaises, anglaises ou italiennes. Clara est d’ailleurs polyglotte : elle maitrise le français, l’anglais et l’italien et elle apprendra ensuite quelques mots de russe.

Pendant ses études, elle rencontre Ossip Zetkin. D’origine ukrainienne, il travaille dans une menuiserie en parallèle de ses études. Il est militant socialiste et il l’invite à des meetings. Il aura une influence certaine sur Clara et lui transmettra ses idéaux révolutionnaires. Clara se brouille avec le directeur de l’Ecole d’Institutrices : il refuse de lui trouver un poste en raison de son activisme politique. Elle exerce donc des emplois précaires de préceptrice.

En 1882, Ossip est menacé d’expulsion et décide d’emménager à Paris. Clara le suit. Durant cette période, ils exercent tous les deux des emplois de traducteurs et gagnent difficilement leur vie. Ils ont deux enfants, Maxim et Costia. Clara devient ensuite journaliste, élève ses enfants le jour et écrit ses articles, la nuit, se plaignant d’être surchargée de travail : « Je suis couturière, cuisinière, blanchisseuse, etc., bref, bonne à tout faire »[1]. Mais un évènement va venir bouleverser sa vie. Ossip décède à l’âge de trente-sept ans d’une maladie. Elle quitte alors Paris pour Stuttgart où elle commence à se faire connaitre. Elle adopte aussi le nom de Zetkin, bien qu’elle n’ait jamais été mariée avec Ossip.

Ses premiers combats : les droits des femmes et l’éducation

L’un de ses premiers combats est le droit de vote des femmes. Au début du vingtième siècle en Allemagne, quelques lands permettaient aux femmes de voter sous certaines conditions : seules les femmes propriétaires terriens avaient ce droit. Clara Zetkin s’oppose à cet état des choses, défendant le droit de vote universel et direct pour tous les hommes et toutes les femmes, sans distinction de catégorie sociale, s’opposant ainsi à ce qu’elle appelle “le féminisme bourgeois”. Pour elle, la lutte pour les droits des femmes va de pair avec la lutte contre le capitalisme et ne se résume pas à une simple égalité de droit.Dans son article La femme et l’étudiant, elle critique aussi les hommes de la bourgeoisie notamment les étudiants : ils méprisent les femmes de leur classe sociale qu’ils ne considèrent ni comme des camarades ni comme des compagnes. Et en même temps, ils harcèlent ou agressent sexuellement les femmes des classes inférieures comme leurs domestiques et se sentent impunis parce qu’ils sont riches. Clara Zetkin dénonce aussi la prostitution comme un « esclavage des femmes » et l’hypocrisie de la bourgeoisie à ce sujet.

Elle milite aussi pour le travail des femmes ce qui est loin de faire l’unanimité, même chez les socialistes. En effet, le travail des femmes est perçu comme une concurrence pour le travail masculin. De plus, elle défend le partage des tâches ménagères et le divorce par consentement mutuel. Elle a d’ailleurs épousé Friedrich Zubel, un jeune artiste peintre de dix-huit ans son cadet, ce qui était plutôt mal vu.

Un de ses sujets de prédilection est aussi l’enseignement. Dans l’Allemagne du début du vingtième siècle, l’enseignement était très inégalitaire. Il existait des écoles gratuites pour les plus pauvres, mais les cours dispensés étaient de mauvaise qualité. Seuls les plus riches pouvaient donc offrir une éducation de qualité à leurs enfants. Clara Zetkin défend la gratuité de l’enseignement mais aussi la gratuité des repas et du matériel scolaire. Elle propose la création de garderies après les cours et pendant les vacances scolaires pour pallier l’absence de congés payés des parents. Elle défend la création d’un jardin d’enfants pour soulager les mères. Elle est aussi une farouche avocate de la laïcité. Elle a d’ailleurs elle-même demandé à ce que ses fils soient dispensés de cours de religion à l’école. Elle reconnait que la religion peut avoir des effets positifs mais l’enseignement religieux relève du libre choix des parents et n’a pas sa place à l’école publique. Elle prend ainsi exemple sur les systèmes scolaires français et hollandais. Elle défend des principes novateurs tels que le développement des enseignements artistiques et sportifs ou l’abolition des châtiments corporels. Enfin, elle revendique une mixité totale aussi bien parmi les élèves que dans le corps enseignant ou administratif.

Le grand tournant de la Première Guerre mondiale

Clara Zetkin s’engage ensuite contre la Première Guerre Mondiale. C’est une période difficile pour elle. Son mari et ses deux fils sont mobilisés. Elle vit dans la clandestinité et subit des menaces de mort. Elle participe à la conférence de Berne contre la guerre qui lui vaut quelques mois de prison. Malgré ses difficultés, elle réussit à faire paraitre son journal, Die Gleichheit (L’Egalité). Après la guerre, ses amis pacifistes, Rosa Luxembourg et Karl Liebknecht sont tués.

En 1920, elle est élue députée du nouveau parti, le KPD (komunistich partei von Deutschland, parti communiste allemand). Elle cherche à réunir les socialistes révolutionnaires, partisans de la révolution) et les réformistes plus modérés qui cherchent à s’insérer dans le système parlementaire.

Elle voyage en Russie et s’intéresse aux clubs de femmes musulmanes nouvellement créés. Elle qualifie ses femmes de « Déshéritées des déshéritées ». Une scène la marque particulièrement : à Batoum (actuel Azerbaïdjan), lors d’un meeting où seuls les hommes prennent la parole, une femme voilée monte sur scène et retire le voile qui lui cachait le visage ! D’autres femmes l’imitent. Clara Zetkin prendra ensuite la défense de jeunes hommes noirs accusés à tort d’avoir violé des femmes blanches, ce qui en fait une militante féministe et antiraciste. Au début des années 1930, elle prend aussi conscience de la montée du nazisme. Elle comprend que le fascisme séduit aussi les masses populaires mais pour elle, le fascisme s’effondrera grâce à l’union des travailleurs, ce sur quoi malheureusement, elle se trompe.

Elle se sent aussi progressivement dépassée par l’extrême-gauche. Le journal qu’elle avait créé, Die Gleicheit, lui échappe et, est repris par la section féminine du nouveau parti démocrate allemand. Son action a aussi en partie échoué puisqu’aucun des partis de gauche ne s’intéresse réellement au féminisme. A partir de 1923, elle rencontre aussi de nombreux problèmes de santé : elle est souvent alitée et sa vue baisse. Elle fait de moins en moins d’apparitions publiques et s’éloigne peu à peu de la vie militante. Elle s’éteint le 20 juin 1933.

Elle est assez peu connue en dehors de la Russie et de l’Allemagne. La Journée Internationale pour le Droit des Femmes est pourtant un de ses héritages. Dès 1910, lors du congrès des femmes socialistes de Copenhague, elle avait proposé qu’une journée soit spécialement dédiée aux droits des femmes, sans pour autant proposer de date précise. De 1910 à 1915, quelques Journée de la Femme ou Journée de l’Ouvrière sont organisées un peu partout en Europe sans que la date ne fasse consensus. La première Journée du 8 mars officielle est organisée à Berlin en 1914. La date semble avoir été choisie au hasard. Les manifestations du 8 mars 1917 à Petrograd coïncident aussi avec le début de la Révolution Russe et font que cette journée s’impose peu à peu. La Journée Internationale des Droits des Femmes du 8 mars est reconnue officiellement par l’ONU en 1977 et 1982 par la France.

Anne Mariotti, étudiante en Master 2  Histoire Sociale du Politique

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NOTES

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[1] Dans une lettre à Karl Kautsky, datée du 20 mars 1888, citée dans HERVE, Florence, ZETKIN, Clara, Je veux me battre partout où il y a de la vie, Hors d’atteinte, 2001.

 

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SOURCES

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BADIA, Gilbert, Clara Zetkin, féministe sans frontières, Les Editions Ouvrières, 1993.

HERVE, Florence, ZETKIN, Clara, Je veux me battre partout où il y a de la vie, Textes initialement publiés dans “Batailles pour les femmes” traduits par BADIA, Gilbert, MATHIEU, Régine et Jean-Philippe puis entièrement révisés par HERMANN, Marie, textes inédits en français traduits par HERMANN, Marie, Hors-d’atteinte, 2021.

ZETKIN, Clara, Au club des femmes musulmanes, 1926, Bibliothèque Marxiste, Au club des femmes musulmanes | Bibliothèque Marxiste (bibliomarxiste.net)

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