Quand le célèbre Paco Rabanne, mis fin à sa carrière, il fit don de ses créations à divers musées dont celui de la plasturgie à Oyonnax. Du 8 décembre au 11 mars 2023, le Centre Culturel Aragon (Oyonnax) propose de redécouvrir ces créations qui ont cassé les codes grâce à des matériaux innovants et surprenants qui ont sans aucun doute contribués à forger une réputation de « couturier métallurgiste » au créateur.

Vingt-cinq ans après la première exposition des robes de Paco Rabanne au Musée du Peigne et de la Plasturgie d’Oyonnax, celles-ci sont de nouveau exposées grâce à la conservatrice du patrimoine et directrice du musée Virginie Collemann-Caillet. Cette rétrospective, qui se déroule jusqu’au 11 mars, prend aujourd’hui une autre couleur, puisque le célèbre couturier vient de disparaître. Les trente-deux robes, données par la Maison Rabanne au musée en 1996 et 1997, sont associées aux chaussures qui ont été portées lors des défilés, grâce au prêt du musée de la chaussure de Romans-sur-Isère.

Ces tenues permettent de retracer 30 ans de la production artistique de l’artiste, de 1984 à 1997, marqueur d’un tournant dans l’histoire de la haute-couture. En effet, le plastique et le métal sont mis à l’honneur, déployant une large palette de traitements et de types de plastiques. Si ce matériau est souvent associé à une production bon marché et jetable, le couturier a su le sublimer. Dans les années 60, son utilisation est avant-gardiste et permet de créer des tenues variées, qui jouent avec la couleur, la lumière, le dévoilement, dans une vision proche du mouvement Pop-art. En 1966, lors de son exposition manifeste, Paco Rabanne réalise son premier défilé haute-couture, qui veut briser les codes d’un art qu’il perçoit comme bourgeois et strict. Il fait donc défiler ses mannequins pieds nus, sur des créations du compositeur Pierre Boulez. Le créateur met également en scène des mannequins noires, ce qui était rare et aime détourner les objets de leur fonction première.

Ainsi, des gobelets, des ventouses et des bouchons de flacons de parfums font partie des tenues. Son style n’a également pas laissé indifférent et lui a valu bien des surnoms peu flatteurs. Le public, venu extrêmement nombreux pour ces visites commentées, a pu redécouvrir des créations étonnantes telles que la robe hérisson, la robe « gobelets » (qui a également été déclinée en robe « flûte à champagne » et robe « fourchettes »), une tenue de pluie cosmonaute,  ainsi qu’une mini-robe emblématique, de 1967, (création plus récente qui annonce la période développée), qui fait penser à celle portée par Françoise Hardy, qui incarnait pour Rabanne l’image de la femme moderne… Chaque robe présente un traitement de la matière plastique qui lui est propre : brodé, gaufré, relié par des rivets, présenté également sur des bijoux et des coiffes. La matière plastique n’étant que peu résistante face au temps, le musée a dû entreprendre des travaux de restauration, afin d’estomper et de faire disparaître les multiples fissures présentes sur certaines œuvres, qui ont retrouvé leur éclat d’antan. Certaines robes ont même été pensées pour être jetées après avoir été portées. Autre étrangeté de l’exposition, qui donne le ton d’une époque, une robe en kit à monter soi-même est exposée, permettant grâce aux pinces et aux anneaux fournis de réaliser, en suivant minutieusement le guide de montage, sa propre robe à sequins.

La femme Rabanne est une femme puissante qui attire et accroche le regard. Le corps est souvent exposé et donne un mouvement aux robes, qui est rendu visible par les photos des robes portées auxquelles elles sont associées. La robe cotte de mailles est l’incarnation de la femme guerrière dont le buste moulé est moulé. Les chaussures transparentes, par leur pureté et leur simplicité, soulignent l’élégance du pied des femmes, tandis que la chaussure compensée de type ballerine, l’élance et la grandisse. Si ces créations peuvent surprendre, elles offrent une vision esthétique singulière, témoin d’une époque d’insouciance, où l’originalité et l’audace étaient maîtresses. Cette exposition nous rappelle que l’objet d’art est à l’origine associé à l’artisanat et que l’œuvre d’art se décline en de divers matériaux. Le plastique, présent sur le territoire oyonnaxien depuis 130 ans, participe à l’histoire de la création artistique, comme son musée aux collections uniques dans le domaine des arts décoratifs et de la mode en témoigne.