Médiéviste depuis 50 ans, Michel Pastoureau est directeur d’études émérite de l’École Pratique des Hautes Études . Il est spécialiste de l’histoire des couleurs et de l’histoire des animaux. Il a également étudié les armoiries et les sceaux. Sa bibliographie compte plus de 80 ouvrages destinés aussi bien à un public universitaire qu’à un public néophyte.

L’originalité de son dernier ouvrage, Dernière visite chez le roi Arthur, repose sur l’idée de raconter l’histoire de son premier livre, parue en 1976 aux éditions Hachette, La vie quotidienne au temps des chevaliers de la Table Ronde. Il propose ainsi de réfléchir à l’évolution du métier d’historien depuis un demi-siècle et à son  rapport  à l’édition française.

Les 13 chapitres de ce livre composent un bréviaire destiné aux étudiants de premier cycle et décrivent les bonnes pratiques du métier d’historien en s’appuyant sur son premier livre dont il fait un objet d’étude. Ils nous racontent aussi 50 ans de la vie d’un chercheur en histoire.

Michel Pastoureau affirme ainsi que la première qualité d’un historien est son « flair », c’est-à-dire son intuition, sa perspicacité et son discernement. Il souligne l’importance des sources mais complète en disant que « ce sont les historiens qui transforment les documents en sources ». Il rappelle également la nécessité de replacer une source dans son contexte historique . À plusieurs reprises il montre le poids déterminant de la problématique et de sa construction dans la production d’un texte scientifique. Il affirme que « la recherche se situe toujours au point de rencontre d’une problématique et d’une documentation ».

Il souligne l’importance de l’interdisciplinarité et la contribution d’autr es disciplines des sciences humaines au domaine historique comme par exemple l’apport déterminant de l’archéologie. Enfin,  il insiste sur l’importance de confronter ses recherches et ses théories aux travaux des autres chercheurs.

L’écriture tient une place centrale dans son quotidien et il s’y adonne avec passion. Il aborde l’élaboration d’un texte : il explique l’utilité de conférer un titre à sa production écrite en énonçant précisément les bornes chronologiques et l’espace géographique. Il poursuit sa démonstration en soulignant l’importance d’expliciter son propos sans penser qu’il se suffit à lui-même ; autrement dit, il est nécessaire de développer chaque terme de sa démonstration et de l’illustrer par un exemple. Enfin, il insiste sur les bienfaits de la relecture par un tiers car elle  permet d’œuvrer à une meilleure clarté de son propos.

Michel Pastoureau met à profit son expérience pour décrire avec humour les relations entretenues par un historien avec son éditeur. Il décrit les contraintes exercées par le cadre éditorial c’est-à-dire la connaissance des règles typographiques, les limites de longueur du texte mais aussi, et surtout, les contraintes financières qui pèsent sur la fabrication de l’objet livre. Il en profite pour régler des comptes avec certains éditeurs qu’il  accuse  de placer le profit au-dessus de tout.

Tout au long de son ouvrage, Michel Pastoureau décrit  l’évolution des pratiques des historiens depuis 50 ans. Il remarque l’intérêt des universitaires pour la vulgarisation scientifique qui se caractérise   par la publication d’un nombre croissant de ce type d’ouvrages alors que, dans les années 70, d’après lui, beaucoup d’universitaires jugeaient « déshonorant d’écrire pour le grand public [car] ils avaient l’impression de prostituer leur plume et leur savoir. ». Il porte de violentes attaques contre les « nouveaux passeurs d’histoire autoproclamés » sur internet qui s’en « prennent au savoir universitaire » avec la publication de contenus  « sans esprit critique ni aucun contrôle ».

Il regrette les méthodes actuelles d’attribution des budgets de recherche par les autorités de tutelle comme il dénonce ce qu’il appelle la « colloquite » c’est-à-dire le nombre excessif de colloques historiques. Il déplore la disparition de l’enseignement du latin dans les collèges et les lycées. Il a conscience d’apparaître par moment « grincheux et passéiste » et « apôtre du c’était mieux avant » mais il parvient à nous faire comprendre les difficultés que rencontre un homme de son âge et à nous sensibiliser aux affres du temps qui passe .

Michel Pastoureau nous rappelle, dans un style fluide, en quoi les règles qui fondent la recherche historique lui confèrent ainsi le statut de discipline scientifique et comment il contribue, en narrant l’histoire d’une carrière de chercheur, à l’historiographie française.

Aleksandar Jovanovic, Master 1 Histoire et civilisations anciennes et médiévales. Mémoire de recherche sous la direction de Matthieu Rajohnson

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