En ce moment et ce jusqu’au 14 janvier 2024 se tient une exposition au musée national du Moyen Âge de Cluny sur le cristal à travers les âges et les continents. Ce « Voyage dans le cristal » se déroule sous le commissariat d’Isabelle Bardiès-Fronty et de Stéphane Pennec. Cette exposition s’organise autour d’une thématique médiévale avec une présentation de quelques œuvres du musée.

Pour autant, l’étendue spatiale et temporelle des œuvres présentées dépassent et subliment cette présentation avec des contributions de musées issus de tous les continents. Le frigidarium du musée est investi d’une façon originale avec une salle supplémentaire dans les étages qui permet de dépasser l’ampleur déjà non négligeable de l’exposition « Toulouse 1300-1400 : l’éclat d’un gothique méridional » présentée au même endroit jusqu’en janvier de cette année.  

L’exposition commence avec des références aux débuts de l’humanité ou aux sources minières du cristal. On y apprend que cette matière est particulièrement difficile à tailler. Des objets datant de l’Antiquité grecque ou romaine s’ajoutent à cette entrée dans la matière. Une Aphrodite accroupie dévoile la finesse d’un corps féminin antique. De même, cette exposition présente des éléments d’art contemporain comme dans le tableau Le Sacré-Cœur de Montmartre de Georges Braque (1910) où des formes cristallines représentent ce paysage avec le dôme du Sacré-Cœur qui semble être vu depuis un prisme. De même, une Table (1933) d’Alberto Giacometti présente une table dorée avec une tête voilée de femme et un polyèdre qui semble représenter un pendant mathématique de cette représentation humaine. Plus récemment, les réalisations de Patrick Neu permettent de faire écho à l’art médiéval avec des thématiques religieuses. De cet artiste, sont visibles une Couronne d’épine (2015) en cristal de plomb avec en face une Danse macabre (2023) sculptée en cristal de roche. Ainsi ces deux dernières œuvres contemporaines peuvent faire référence au Moyen Âge parisien puisque la Couronne d’épine du Christ est arrivée sous le règne de Saint Louis tandis que le thème de la Danse macabre est apparu dans une fresque du cimetière des Innocents près des Halles. 

Pour évoquer l’étendu du voyage annoncé dans le titre de cette exposition, on peut évoquer un « Polissoir » à inscription coranique provenant d’Iran, réalisé entre le XVIIIe et le XXe siècle. Cet objet provient du musée du Louvre (inventaire MAO 2247). L’utilisation comme polissoir à papier ne semble pas correspondre à la finesse des inscriptions minuscules et dorées de la sourate Ya-Sin, 36e sourate du Coran. Il s’agit vraisemblablement d’un objet utilisé comme talisman. Les inscriptions sont à peine lisibles en raison de leurs petitesses et l’objet tient juste dans la paume de la main. La face inférieure peut évoquer un polissoir en raison de sa forme concave mais l’aspect général ne permet pas d’imaginer une fonction usuelle à cet objet. J’y vois plutôt un lien entre le sens du toucher et l’importance spirituelle du texte et de la matière. Le toucher de cet objet à grande symbolique viendrait alors renforcer la récitation de la sourate en question.  

Enfin, le cœur de l’exposition s’organise autour de nombreux objets médiévaux présentés dans une décoration évoquant un palais. Cette présentation fait référence à un manuscrit religieux espagnol de Beatus réalisé au Xe siècle dont les couleurs vives contrastent avec la pureté du cristal. L’importance de l’aspect spirituel du cristal est suggérée à travers des émaux de l’Œuvre de Limoges. De plus, le cristal semble être un outil pour représenter le prestige du pouvoir spirituel. Des crosses d’évêques, des croix d’orfèvrerie ou même une bague papale contiennent des éléments de cristal. Le pouvoir temporel n’est pas en reste avec des têtes de lions du IVe ou du Ve siècle représentant le pouvoir impérial comme à Trêves, Rome ou Constantinople, leurs origines possibles. Une mention spéciale peut être faite à la croix discoïdale provenant du musée de l’évêché d’Hildesheim, réalisée vers 1140. Dans cet objet se retrouvent mêlés des influences croisées de l’art médiéval avec des motifs en métal qui peuvent évoquer des motifs celtiques comme dans le Livre de Kells, célèbre manuscrit contenu à Dublin, auxquels s’ajoutent des pierres incrustées comme dans l’art germanique. A tous ces éléments s’ajoutent plusieurs dizaines de cristaux de diverses tailles.  

Ainsi, cette exposition démontre le dynamisme du musée de Cluny dont les collections permanentes évoluent toujours, même depuis la réouverture du musée en 2022. On peut noter ainsi l’ajout de nouvelles acquisitions comme elle étaient présentées récemment dans le bâtiment contemporain de Bernard Desmoulin. Dans la salle dédiée à l’art italien, un Christ en ivoire côtoie dorénavant la rose d’or du pape d’Avignon Jean XXII offerte au comte de Neuchâtel en 1330. Vous pouvez aller indéfiniment de fois dans le musée en adhérant à l’association des Amis du musée. 

BORIS BONTEMPS 

Master 2 Mondes antiques et médiévaux 

Mémoire sous la direction de Mme Bénédicte Sère 

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