La Normandie dispose de nombreux musées et de sites sur le débarquement du 6 Juin 1944 et sur la Bataille de Normandie. Le mémorial de Caen et le musée américain de Colleville font partie des plus visités. J’ai découvert la ville de Courseulles-sur-Mer. La mémoire rendue aux soldats canadiens fait partie intégrante de l’identité de la ville, représentée par divers monuments et plaques commémoratives, rappelant que la ville, avec Bernières-sur-Mer, constituait la plage de Juno Beach, où les Canadiens ont débarqué le 6 juin 1944. Ce musée a une double vocation : faire connaître la participation du Canada durant la Seconde Guerre mondiale et cultiver le devoir de mémoire pour l’exporter outre-Atlantique. Pour présenter le Centre Juno Beach, nous évoquerons la démarche historique et culturelle particulière, puis nous parlerons des collections du musée, avant d’aborder l’exposition permanente, les expositions temporaires et le parc du musée. 

Une démarche historique et culturelle particulière 

Tout d’abord, il s’agit pour les Canadiens de cultiver le devoir de mémoire, mission principale du musée. Le besoin de transmettre la mémoire peut être perçus d’une manière différente que dans les pays européens. Ceci peut s’expliquer par le fait qu’aucun combat n’ait eu lieu sur le sol nord-américain et que le peuple canadien n’a donc pas supporté les mêmes effets que les peuples européens. De plus, le Canada n’a pas fait l’objet d’une agression, comme ce fut le cas pour les Américains à Pearl Harbor, le 7 décembre 1941. 

L’originalité de ce musée tient dans le fait qu’il est géré exclusivement par les Canadiens. Le Centre Juno Beach propose aux jeunes canadiens d’intégrer l’équipe des guides du musée pour une mission ponctuelle d’environ 6 mois. Cette mission constitue une opportunité de travailler en France. De plus, elle permet aux candidats d’apprendre et de partager leurs connaissances sur l’histoire politique et militaire du Canada. Le prérequis demandé à des jeunes canadiens anglophones est de parler le français. 

L’équipe du musée a développé une collection intitulée « l’honneur en héritage/legacy of honour ». Elle rassemble des vidéos de témoignages de vétérans ayant participé aux combats et témoignant de leur expérience durant la guerre. Le Centre, conscient que les témoins de la Seconde Guerre mondiale nous quittent, rassemble des témoignages afin de préserver la mémoire. Dans le même objectif, est également évoquée la collection « témoins de l’Histoire ». Le Centre rassemble des histoires personnelles de combattants ayant perdu la vie durant les combats ou ayant survécu à la guerre. Ces histoires racontées par leurs descendants permettent de compléter l’histoire du Canada en guerre. 

 

Les collections du musée 

Le Centre dispose de nombreuses collections permettant au visiteur de connaître le Canada contemporain et de comprendre les événements tels qu’ils étaient perçus à l’époque. 

Le musée dispose des archives provenant de la bibliothèque et des archives du Canada. Il faut également évoquer les archives de Radio Canada. Durant la Seconde Guerre mondiale, des journalistes comme Marcel OUIMET ou Matthew HALTON ont couvert le conflit pour la radio canadienne. De plus, le musée dispose de témoignages de vétérans ayant participé aux combats de la Seconde Guerre mondiale. 

Grâce au projet « mémoire » des vétérans de la Seconde Guerre mondiale ont pu transmettre leurs témoignages, sous forme d’archives numériques. Le Centre fait découvrir ces témoignages au public. 

La collection « La démocratie en guerre : les journaux canadiens et la Seconde Guerre mondiale » dispose de 144 000 coupures de presse numérisées. Le Centre présente certaines de ces archives. 

L’institut Historica-Dominion, l’Office National du Film du Canada et la Passerelle pour l’Histoire Militaire Canadienne sont les principaux partenaires du Centre Juno Beach et fournisseurs de nombreuses archives. 

Certaines de ces sources sont à la disposition des enseignants et des chercheurs sur le site internet du Centre Juno Beach dans la fenêtre « Enseignants-Ressources d’apprentissage ». 

 

L’exposition permanente 

Lorsque nous arrivons dans le Centre Juno Beach, nous sommes accueillis par un conférencier. Il nous explique la démarche du musée. Après sa présentation, le conférencier nous fait entrer dans une première salle, s’apparentant à une péniche de débarquement, à Courseulles-sur-Mer, le 6 juin 1944. Les effets audiovisuels et stylistiques nous font plonger dans le Canada des années 1940. Enfin, ils donnent l’impression d’être aux côtés de soldats prêts à débarquer sur Juno Beach. Dès que la porte s’ouvre, nous débarquons dans le musée et commençons la visite. 

La deuxième salle met en lumière le Canada avant la Seconde Guerre mondiale. Des données historiques, géographiques, démographiques et sociales nous sont présentées. Nous apprenons les relations particulières entre le Canada et le Royaume-Uni. Le Canada, suivant la déclaration de guerre du Royaume-Uni, participe à la Grande Guerre, en tant que Dominion. D’ailleurs, les Canadiens ont payé un lourd tribut dans les Flandres, comme le rappelle le poème « Dans les Champs des Flandres » de John McCrae. Après la guerre, le Canada obtient une indépendance politique, notamment avec la constitution d’un ministère des affaires étrangères, tout en continuant à faire allégeance au Roi d’Angleterre. Cette salle retrace aussi la conversion du Canada à l’état de guerre et la constitution de son armée grâce à l’engagement d’un million de volontaires. 

Une troisième salle est consacrée aux Canadiens durant la guerre. Elle présente l’engagement et l’entraînement militaire, l’effort de guerre des Canadiens et la question brûlante de la conscription. Suite à la reconnaissance politique obtenue après la Grande Guerre, c’est en tant qu’État indépendant que le Canada déclare la guerre à l’Allemagne, le 10 Septembre 1939. Dès lors, le Canada rejoint le Royaume-Uni et la France dès le début du conflit, alors que son voisin américain demeure encore neutre. Nous pouvons voir, à travers cette salle, que les Canadiens étaient engagés dans toutes les forces armées : soldats dans l’armée de terre, aviateurs au sein de la Royal Canadian Air Force, marins dans la marine de guerre, sans oublier la marine marchande, dont les marins sont reconnus comme des combattants à part entière. Ainsi, les Canadiens sont présents sur tous les fronts, lors de la Bataille d’Angleterre, lors de la Bataille de l’Atlantique, ou encore le raid sur Dieppe.  

La quatrième salle permet de découvrir les faits d’armes et la mobilisation du peuple canadien. Outre la mobilisation dans les Armées, des corps ont été totalement mobilisés, comme le service de santé, les services de renseignement, ou encore la presse. 

La cinquième salle est dédiée au bilan humain de la guerre. De nombreuses familles ont perdu un proche. 45 000 soldats ont perdu la vie. Leurs noms s’affichent sur le plafond, ce qui rappelle leur sacrifice, notamment en Normandie, en Italie. Le visiteur peut lire des lettres écrites par des combattants à leurs familles, nous permettant d’entrer dans l’intimité des soldats et de leurs familles et de comprendre comment ils percevaient les événements. Ceux qui rentrent au pays doivent retrouver une vie normale. Ils retournent à la vie civile et se réinsèrent dans la société, en trouvant du travail, en fondant une famille. 

La sixième salle propose aux visiteurs de s’immerger dans le quotidien du soldat canadien, grâce au film intitulé « Dans leurs pas ». Ce film, qui a été réalisé grâce à des images d’archives, revient sur le sacrifice des Canadiens. Les effets sonores et les images suscitent l’émotion, notamment avec la disparition des soldats morts au combat sur les images du film. Le film se termine par une marche sur la plage de Juno Beach où les Canadiens tombés lors de la Bataille de Normandie marchent à nos côtés, pour que nous nous souvenions qu’ils sont toujours présents. 

La dernière salle est dédiée aux visages du Canada d’aujourd’hui. L’éclairage de la salle fait passer le visiteur de l’éclairage sombre des salles précédentes évoquant le Canada en guerre à la lumière du Canada d’aujourd’hui. 

 

Les expositions temporaires et le parc  

Pour approfondir les connaissances sur la Seconde Guerre mondiale, le Centre Juno Beach organise régulièrement des expositions temporaires. Actuellement, deux expositions sont proposées : Feuilles d’Erable et Tulipes qui revient sur le rôle des Canadiens dans la libération des Pays-Bas et Grandes femmes dans la guerre 1939-1945 présentant le rôle des Canadiennes durant la guerre. Qu’elles soient engagées dans les forces armées (unités de soutien) ou à l’arrière, elles ont joué un rôle important, que l’Histoire a tendance à oublier. 

Il faut évoquer le parc Juno, sur lequel le centre a été bâti. Sur des colonnes sont inscrits les noms des soldats tombés au combat, nous rappelant leur sacrifice.  Ayant fait partie du système de défense du mur de l’Atlantique et s’établissant sur une bande côtière de 1500 mètres, le parc contient des vestiges. Nous pouvons nous promener dans ce parc et imaginer à l’horizon l’armada alliée et les péniches de débarquement arrivant sur la plage. Les vestiges et le bruit du large en font un lieu solennel. 

 

Conclusion  

Le Centre Juno Beach est le seul musée normand dédié au Canada durant la Seconde Guerre mondiale. S’inscrivant dans le même concept que celui proposé par le mémorial de Caen, il apporte un éclairage dans ce que fut la mobilisation du Canada, face aux forces de l’Axe. Les Américains ne furent pas les seuls à traverser l’Atlantique pour libérer l’Europe. Les Canadiens, ayant été sous commandement britannique, ont pu être oubliés par rapport à leurs voisins américains, et le Centre Juno Beach leur rend hommage. Disposant d’archives et de témoignages, le musée continue à entretenir le devoir de mémoire. J’ai été saisi d’émotion après la visite de ce musée et je souhaitais le faire découvrir car il est encore peu connu du grand public. En 1944, la liberté venait de la mer mais elle est avant tout venue grâce à des hommes et des femmes qui se sont sacrifiés pour que les générations suivantes puissent vivre libres. Ne l’oublions jamais. 

Olivier Sorlin
Master 1 EAD Histoire et Sciences sociales du politique
Mémoire sous la direction de Julie Le Gac

 

 

---

---