Ce que la Palestine apporte au monde est une série de 3 expositions présentée à l’Institut du monde arabe du 31 mai 2023 au 31 décembre 2023 sous la direction du commissariat d’exposition d’Elisa Sanbar, Marion Stiline, Albert Dichy et Eric Delpont.

Photographie de l’affiche, je n’ai pas trouvé celle avec la date de prolongation.

Compte rendu des trois expositions

La première exposition, Palestiniens et Palestiniennes en leurs musées, interroge le spectateur sur la notion de musée autour de la question “qu’est ce qui fait musée national ?” Alors même que la Palestine n’est toujours pas reconnue comme un État souverain.

Collectif Hawaf (Gaza), “L’atelier du nuage” – Sahab, le musée des nuages, 2023. (© FRANCEINFO Y.S / IMA).

Ainsi, le Musée national d’art moderne et contemporain de la Palestine (MNAMCP) fait appel aux dons de différents artistes afin de mettre en place cette exposition nationale. C’est une exposition nationale, aujourd’hui hébergée à l’Institut du monde arabe, et qui a pour projet de se déployer à terme à Jérusalem Est, capitale de la Palestine. De ce collectif d’artistes émerge finalement le projet d’un « musée dans les nuages », Shabab. C’est le projet d’un musée rêvé et sans frontière dans le cloud, quelque part entre Gaza et Paris. On peut lire dans la note d’intention de cette exposition « À Gaza, territoire sous embargo et privé de musée, le collectif Hawaf (marges en arabe) conçoit un musée contre la destruction et l’oubli ».

Et l’effet est réussi. Les différentes œuvres et leurs supports nous plongent dans un musée d’art contemporain dit classique, où l’on y trouve des artistes depuis les années 1980 avec différentes techniques (peinture, collage, image graphique, vidéo). Différents titres ponctuent les espaces de cette première partie : « qui sommes-nous ? » ; « aspirer » ou encore « corps empêchés ». C’est finalement un large corpus qui est proposé au spectateur. Cet espace est largement influencé par la figure de Mahmoud Darwich, poète palestinien du XXIème siècle. Une salle à Ce que la Palestine apporte au monde, lui est réservée. On peut voir une vidéo du poète en 1983 au Conseil National Palestinien en Algérie où l’on voit Mahmoud Darwich clamer Éloge de l’ombre haute en arabe, un QR code nous invite à lire en français. Ce poème, extrait de Nous choisirons Sophocle, répond au massacre de Sabra et Chatila. Nous pouvons brièvement rappeler l’histoire du massacre de Sabra et Chatila. Il est perpétré du 16 au 18 septembre 1982 envers des Palestiniens du quartier Sabra et du camp de réfugiés de Chatila à Beyrouth par des milices chrétiennes des phalangistes dans le contexte de la guerre civile libanaise et l’intervention Israélienne au Liban.

En outre, Mahmoud Darwich, né en 1949, est une grande figure littéraire palestinienne, célèbre pour ses poèmes d’exil au registre lyrique qui est le sien. Il écrit son premier recueil en 1960, Asafir bila ajniha, Oiseaux sans ailes. Son poème “Identité”, “Bitaqat huwiyya: Sajel ana arabi “marque le début de sa célébrité. Sa vie d’exil est ponctuée par sa naissance au Liban, puis sa surveillance par l’État d’Israël dans les années 1970, après laquelle il quitte le pays. Il assiste aux évènements de Beyrouth en 1982, et repart en exil. Il finira sa vie aux États Unis.

Le second parcours de Ce que la Palestine apporte au monde, Images de Palestine ? Une Terre sainte ? Une terre habitée ! s’appuie sur des images dites orientalistes. A partir de supports de Photogob Zub (PZ), une impression lithographique à partir d’un négatif noir et blanc, ce volet propose ainsi de contrer la vision du territoire palestinien, comme une terre vierge et de se détacher de cette vision orientaliste de terre sainte. Les artistes contemporains nous proposent une image réelle, celle d’« une terre habitée » entre modernité, loisir, ruines, difficulté et souffrance. On retrouve essentiellement des photographies contemporaines.

Un métro à Gaza

Un métro à Gaza

Je parlerai notamment du projet de Mohamed Abusal, qui rencontre différents supports et qui a un intérêt géopolitique puissant : un métro à Gaza. 2011. Le cartel nous explique : « Mohamed Abusal imagine un métro qui relierait le nord et le sud de Gaza, ainsi qu’une ligne de RER qui raccorderait des territoires fragmentés de la Palestine. En imaginant un moyen de transport sophistiqué, cette installation « apporte une solution visuelle éphémère qui tente de transformer la situation chaotique des transports à Gaza », dans un contexte d’absence d’horizon « sauf dans nos rêves ». Cette œuvre est réalisée à la suite d’une résidence à la Cité des Arts à Paris, où l’artiste s’inspire du métro parisien et reproduit minutieusement sa signalétique (le « M », le plan, les tickets de métro). Muni de ces éléments, Abusal arpente plus de 50 lieux à Gaza, Ramallah, Hébron et Jérusalem, tout en recueillant les réactions des passants, tantôt fascinés, optimistes et pleins d’espoir, tantôt dubitatifs, moqueurs et désespérés.¹

Valise ayant appartenu à Jean Genet. Archives Jean Genet/ Imec. © Michael Quemener.

Enfin, le parcours conclut sur une exposition dédiée aux archives, c’est un espace consacré à une source précieuse pour l’histoire de la Palestine : Les Valises de Jean Genet. Cette dernière exposition ferme sur une autre grande figure de la culture palestinienne : Jean Genet, auteur, écrivain et poète français, appartenant notamment au mouvement du théâtre de l’absurde. Concernant son rapport à la Palestine, il est l’auteur d’Un Captif amoureux, un ouvrage sur les Palestiniens en lutte. Cette salle fait écho à celle de Mahmoud Darwich. Comme Éloge de l’ombre haute, les archives de Jean Genet traitent des évènements de Sabra et Chatila. Les Valises de Jean Genet représentent une des sources principales de cet évènement. Il est l’un des premiers témoins oculaires du lendemain des évènements et rédige Quatre Heures à Chatila publié en 1983. Nous pouvons souligner que cette dernière exposition est la seule accompagnée d’un catalogue d’exposition.

Pour aller plus loin

Se rendre à cette exposition à l’heure vive du conflit : Actualités : actions du public, distance, prolongation….

Au lendemain de l’attaque terroriste du Hamas le 7 octobre, l’État d’Israël lance des premières frappes aériennes sur Gaza. Cette guerre est en cours d’écriture, mais nous pouvons nous intéresser à l’impact de cette actualité sur l’exposition de l’Institut du monde arabe qui, pour rappel, avait ouvert le 31 mai 2023.

Photographie d’une des pages du livre d’or, samedi 25/11.

Quelques jours après le regain du conflit en octobre 2023, l’IMA avait annulé un certain nombre d’évènements, notamment les soirées conférences ou projections cinématographiques qui étaient prévues. La programmation reprend peu à peu son cours et l’IMA prolonge finalement cette exposition jusqu’au 31 décembre.

Pour des spectateurs c’est un moment de prise de position nous apprend l’Humanité dans son article : « À l’exposition « Ce que la Palestine apporte au monde » : « Venir ici, c’est une forme de résistance. ».² Dans cette prolongation, on peut trouver dans le livre d’or des messages de soutien au territoire de Gaza, et au peuple Palestinien. Enfin, le 19 novembre 2023 la marche pour la paix silencieuse par le monde de la culture, sans revendication politique, partait de l’Institut du monde arabe et a défilé jusqu’au musée d’art et d’histoire du judaïsme.

… Ouvrage collectif : Ce que la Palestine apporte au monde

« De quoi la Palestine est-elle le nom ? La Palestine n’est pas seulement un territoire morcelé, un pays empêché, une histoire déchirée, une population opprimée et exilée. La Palestine est une idée, un espoir, une exigence un symbole. « La Palestine comme métaphore », aurait dit le poète Mahmoud Darwich. Métaphore de notre monde, berceau de nos rêves, tombeau de nos espoirs. C’est là que tout a commencé et que tout finit. »³ sont les mots d’introduction de l’ouvrage collectif Ce que la Palestine apporte au monde.

En effet, l’exposition à l’Institut du monde arabe est finalement accompagnée d’un ouvrage collectif, sous la direction de Christophe Ayad avec la participation notamment de Bertrand Badie, Sabyl Ghoussoud, Leila Shahid. L’ouvrage traite de l’histoire de la Palestine, en trois grandes parties : l’histoire du pays, de son territoire. La cause politique et la construction de la question palestinienne. Et finalement un chapitre consacré à la culture palestinienne, en parlant notamment du keffieh. C’est une publication de la collection « Araboma », créee par l’IMA qui rassemble journalistes, intellectuels, écrivains, artistes, illustrateurs pour explorer l’histoire du monde arabe.

Je finirai par dire que l’Institut du monde arabe nous présente de nouveau une belle et riche exposition avec un sujet ultra contemporain. Ce précieux institut sait croiser en son lieu des expositions historiques, comme « Sur les routes de Samarcande »,⁴ ou encore Parfums d’Orient des expositions contemporaine, à la manière d’Habibi, les révolutions de l’amour, qui invitent à discuter sur des sujets profond et centraux du monde arabe contemporain.

Yvonne Renault

M1 Histoire contemporaine

Sous la direction de Sylvie Aprile

1. Cartel Abusal Mohamed, « Un métro à Gaza », 2011, Ce que la Palestine apporte au monde. Institut du monde arabe. 2023. [↩]
2. Hayet Kechit, « Ce que la Palestine apporte au monde » : « Venir ici, c’est une forme de résistance », l’Humanité, 16 nov 2023. https://www.humanite.fr/culture-et-savoir/art-moderne/a-lexposition-ce-que-la-palestine-apporte-au-monde-venir-ici-cest-une-forme-de-resistance [↩]
3. AYAD Christophe, Ce que la Palestine apporte au monde, Paris, Seuil, 2023. [↩]
4. AZCON Marine, « Sur les routes de Samarcande », Le Blog de l’Histoire Nanterre. Nanterre. 5 mai 2023 [↩]

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