Jack Goody, le Vol de l’Histoire, comment l’Europe a imposé le récit de son passé au reste du monde, paru en 2010 aux éditions Gallimard et traduit de l’anglais par Fabien Durant-Bagaert.

L’Histoire telle qu’elle nous a été enseignée et que nous connaissons ne serait-elle finalement qu’un mensonge, une « construction » érigée par des savants européens désireux d’imposer l’idée de la supériorité notamment économique et intellectuelle de la civilisation européenne sur les autres civilisations et ce, en vue de justifier le phénomène de colonisation ? C’est l’hypothèse audacieuse que Jack Rankine Goody, célèbre anthropologue britannique, soutient dans son essai le Vol de l’Histoire, comment l’Europe a imposé le récit de son passé au reste du monde, paru en 2010. Ruper Trevor dans The Rise of Christian Europe paru en 1966, se faisait le chantre de cet eurocentrisme : il y soutenait sans équivoque cette idée de la prétendue supériorité de l’Occident sur le reste du monde et affirmait de manière incontestable que l’« extraordinaire accomplissement de l’Europe depuis la Renaissance » était dû aux « techniques européennes », « modèles européens et idées européennes » qui ont eu pour vertu d’arracher le monde extra-européen à la barbarie.

Jack Goody clame haut et fort que l’histoire du monde telle que nous la connaissons aujourd’hui et qui nous a toujours présenté les nombreuses institutions et idées, sentiments – dont la démocratie, le capitalisme de marché, la bourgeoisie, la liberté, l’individualisme, l’amour courtois – comme étant l’apanage de la civilisation européenne, a en réalité été mise en forme par des savants européens dans le but de justifier la supériorité notamment intellectuelle, économique, politique de la civilisation européenne sur le reste du monde. Ainsi les institutions, idées et sentiments dont la civilisation européenne revendique fièrement l’exclusive paternité pour justifier sa supériorité économique et scientifique sur le reste du monde auraient en réalité été expérimentés, perfectionnés voire inventés par d’autres civilisations au cours de leurs histoires respectives, la civilisation européenne ayant su en tirer bénéfice pour dominer le monde.

C’est contre cette vision qualifiée d’eurocentrique que Jack Goody se soulève dans le Vol de l’Histoire.  Dans cet essai, Jack Goody se livre à une correction de l’Histoire et ce, au détriment du continent européen qu’il accuse d’avoir minimisé la contribution du reste du monde à l’histoire, notamment économique, de l’humanité.  Jack Goody soutient dans son essai que l’eurocentrisme irrigue la pensée de nombreux auteurs même dans les cas où ces derniers entendent le dénoncer ouvertement.

Dans Le Vol de l’Histoire, Jack Goody se fait un devoir de réattribuer la paternité de certaines institutions, idées, sentiments aux régions du monde et civilisations qu’il estime en être les véritables inventeurs et nous invite à comprendre que d’autres foyers civilisationnels (notamment l’Asie) ont joué un rôle déterminant dans le progrès spectaculaire qu’a connu le continent européen à partir du 15e siècle.

Je m’attacherai à présenter le chapitre 1 de la première partie de l’essai Le Vol de l’Histoire dans lequel Jack Goody entreprend de réfuter les arguments invoqués par Joseph Needham pour expliquer le retard économique et scientifique de la Chine vis à vis de l’Europe.

Chapitre 1 de la première partie de l’essai Le Vol de l’Histoire : Jack Goody réfute les arguments avancés par Joseph Needham pour expliquer le retard économique et scientifique de la Chine vis à vis de l’Europe.

Le chapitre 1 de la première partie du Vol de l’histoire, dans lequel Jack Goody s’attache à réfuter les arguments avancés par Joseph Needham, célèbre biologiste, sinologue et auteur de travaux  sur l’histoire des sciences et des techniques dans la civilisation chinoise, pour expliquer le retard industriel de la Chine vis-à-vis de l’Europe est particulièrement intéressant  pour deux raisons: d’une part parce que ce chapitre est représentatif de la démarche de l’anthropologue britannique pour disqualifier les arguments des intellectuels coupables du délit d’eurocentrisme et d’autre part parce qu’ il met en lumière l’ampleur des préjugés et raccourcis que des penseurs européens mondialement reconnus pour leur haut niveau d’érudition ont pu nourrir et diffuser vis-à-vis de civilisations qu’ils considèrent comme « inferieures » à la civilisation européenne.

Dans le chapitre 1, tout part d’un constat qui suscite l’étonnement et donc une interrogation chez Joseph Needham : Comment se fait-il que le Chine accuse à partir du 19^esiècle de l’ère chrétienne un tel retard par rapport à l’Europe sur les plans économique et scientifique alors qu’elle disposait jusqu’au 16e siècle d’une avancée scientifique incontestable sur l’Europe ? Joseph Needham avance une série d’arguments pour expliquer ce retard que Jack va s’attacher à réfuter un par un.  A cet effet, l’anthropologue fait usage de deux méthodes :

            Jack Goody fait d’une part usage de la méthode comparative : il compare la situation historique européenne et la situation historique asiatique en lien avec un phénomène, une institution ou une idée dont l’Occident réclame fièrement l’exclusive paternité pour aboutir à dégager des similitudes temporelles et idéelles entre les deux foyers civilisationnels voire une prépondérance dans le rôle joué par l’Asie.

D’autre part, Jack Goody se fait un devoir de dénoncer le raisonnement téléologique dont fait usage Joseph Needham.  La dénonciation du recours au raisonnement téléologique par Joseph Needham permet à Jack Goody de contester par ricochet l’idée de la paternité européenne exclusive des idées, institutions et sentiments qui seraient à l’origine de l’hégémonie occidentale.  Jack Goody estime que le raisonnement téléologique parce qu’il part d’une situation ou d’une conclusion pour ensuite mettre en lumière les faits qui seraient à l’origine de cette situation ou conclusion biaise le raisonnement et ne justifie finalement aucunement le résultat.

En mobilisant ces deux méthodes et fort de ses très riches connaissances, Jack Goody entend démontrer que le continent européen n’a pas l’apanage de toutes les belles inventions dont il revendique l’exclusive paternité pour justifier sa supériorité sur le reste du monde.

Arguments de Joseph Needham, contre-Arguments de Jack Goody

Selon Needham, la supériorité économique et scientifique de l’Europe sur la Chine à partir du 19^e siècle s’expliquerait par :

• Le fait que la Chine, contrairement au continent européen, n’aurait pas connu la période de la Renaissance,
• Le fait que la Chine, contrairement au continent européen, n’aurait pas connu le phénomène de Bourgeoisie,
• Le fait que l’ordre public et les lois qui ont existé en Europe auraient été inexistants en Chine.

Needham explique le retard industriel et scientifique de la Chine par rapport à l’Europe à partir du 19^e siècle par le fait que la Chine, contrairement au continent européen, n’aurait pas connu la Renaissance qui a donné naissance en Europe à la science moderne, porteuse des progrès scientifiques, industriels et économiques avec la naissance de la bourgeoisie et du capitalisme. La bourgeoisie aurait notamment permis en Europe l’épanouissement des activités artistiques.

             Jack Goody affirme l’impertinence de l’argumentation de Needham qu’il qualifie d’eurocentrique : il soutient que la Renaissance et la bourgeoisie ne sont pas des phénomènes exclusivement européens dans la mesure où selon lui :

• D’autres cultures ont fait l’expérience des phénomènes de la Renaissance et de bourgeoisie. Toutes les civilisations qui ont connu l’écriture ont fait ou seraient en mesure de faire l’expérience de la Renaissance.
• D’autres civilisations ont participé et même joué un rôle décisif dans la Renaissance européenne.  Goody met en lumière la contribution décisive de l’Orient à la Renaissance européenne avec l’exemple des madrassas islamiques qui servirent de modèles aux universités européennes. Jack Goody cite également le cas de l’imprimerie que les Européens adoptèrent et perfectionnèrent existait en Orient depuis 868. L’imprimerie « qui rendit possible la reproduction rapide précise de nombreux ouvrages, eut un impact décisif sur l’expansion des écoles et des universités ainsi que sur le développement et la transmission l’information en général ». Goody va jusqu’à affirmer que la Renaissance européenne ne fut possible que grâce à l’ouverture de l’Europe à l’Orient, tant le continent européen avait sombré dans des « temps obscurs » aux débuts du Moyen Âge du fait des diktats et restrictions que l’Église avait imposés « à ses systèmes de communication de savoir ».
• Jack Goody attribue la vision eurocentrique de Needham à l’influence que Weber aurait exercée sur Needham. Needham et Weber partagent la même religion, le protestantisme qui attribue les progrès d’importance à l’éthique économique qui caractérise le protestantisme.

En appui à sa démonstration, Jack Goody  cite les travaux de divers penseurs en soutien  à sa démonstration:  André Grunder Frank qui, dans son Ouvrage ReOrient, paru en 1998, invite à une réévaluation de l’Orient, le Sinologue K Pomeranz qui affirma dans  La grande divergence  paru en 2010 que la grande divergence entre l’Europe et l’Asie se serait produite qu’au 19e siècle, le Politologue Hobson,  qui a mis en évidence dans les Origines orientales de la civilisation occidentales paru en 2004, la prépondérance des apports orientaux dans la civilisation occidentale, Jerry Brotton dans Le Bazar Renaissance : Comment l’Orient et l’Islam ont influencé l’Occident paru en 2011, qui témoigne des apports de l’Orient et de l’Islam à la civilisation occidentale et Haim Zafrani qui fait référence à des « périodes humanistes » dans les traditions islamique et judaïque durant lesquelles a fleuri un savoir plus profane que religieux.

Jack Goody cite également Jerry Brotton qui:

• S’est demandé si le mot renaissance n’avait pas été inventé « pour construire le mythe convaincant d’une supériorité culturelle de l’Occident ».
• A insisté sur l’importance de la contribution de l’Orient – et tout particulièrement celle de la Turquie – tant sur le plan commercial que sur celui du savoir – à la Renaissance européenne.

Needham explique ensuite que la Chine fut incapable d’accéder à la science moderne et au capitalisme car la bourgeoisie n’aurait jamais existé en Chine ; Une telle situation étant, selon Needham, imputable au système du mandarinat. Needham soutient que le « bureaucratisme » propre à la Chine aurait davantage cherché à préserver la stabilité sociale qu’à promouvoir le profit économique. Needham affirme également qu’en Chine, l’État avait plus intérêt à « maintenir la structure agraire qui constituait le socle du corps social qu’à encourager, ou même à autoriser une quelconque forme de développement commercial ou industriel ».

            Goody affirme que la thèse soutenue par Needham est en accord avec les thèses développées par Wallerstein, Marx et d’autres penseurs du 19e siècle qui attribuent à l’Europe seule la naissance du capitalisme et de la bourgeoise, cette dernière serait née de l’effondrement de la veille société européenne (celle des seigneurs, de l’Église etc..) : ainsi Weber aurait soutenu que le « fonctionnariat », c’est à dire l’ensemble des administrateurs érudits composant la bureaucratie a représenté l’obstacle principal au développement de la bourgeoisie ; Bal’azs aurait  adopté la thèse wébérienne selon laquelle le « pouvoir despotique des fonctionnaires lettrés » (lesquels étaient cependant sélectionnés sur examen) aurait inhibé la montée de la bourgeoisie et déterminé la nature des villes chinoises. Selon Marx, la Chine était incapable de parvenir au mode « bourgeois ». Engels considérait que la Chine représentait la « semi-civilisation » pourrissante du plus vieil état du monde ».

Jack Goody entreprend d’invalider l’argumentaire de Needham qu’il considère comme une grossière simplification.

D’après Jack Goody, l’activité agricole est d’une très grande importance pour la Chine, mais l’innovation s’exprimait dans les villes où « le commerce était souvent très actif. ». Les riches marchands jouaient, comme le reconnaissait Needham un rôle à la cour, en plus du rôle central qu’ils jouaient dans la vie urbaine et notamment dans les villes côtières. En outre tout pays produisant d’énormes quantités de biens dans des conditions commerciales et industrielles bien supérieures à celles de l’Europe, il est difficilement concevable qu’un tel pays puisse rejeter le commerce sans oublier qu’il existe toujours une forme embryonnaire de bourgeoisie parmi les habitants d’une ville car ainsi que l’affirme Braudel « une ville est toujours une ville ».

Needham attribue l’impossibilité du développement du commerce intérieur en Chine à l’inexistence en Chine de lois et d’ordre public.

L’argumentaire de Needham se déploie sous la forme de sous-arguments.

Selon Needham, les routes chinoises étaient d’une part à la merci des bandits, nombreux étaient les habitants des villes chinoises à ne pas occuper d’emploi fixe et les capacités matérielles des forces de polices chinoises étaient faibles.

 A cet argument, Goody rétorque que les villes anglaises connaissaient exactement la même situation au 18^e siècle et cela n’a en rien empêché l’Angleterre de développer son commerce intérieur et de promouvoir sa politique industrielle.

D’autre part selon Needham, les transactions chinoises étaient scellées sur la base de principes éthiques plutôt que sur la base d’une « application de la loi ». A cela Goody rétorque que le gentlemen’s agreement, qui est un mode d’accord informel, se pratique toujours en Angleterre dans les milieux des affaires.

Needham affirme que les Chinois n’ont pas recours aux tribunaux en cas de litiges.

Goody oppose à cet argument le fait que le recours aux tribunaux ne constitue pas le seul mode de conduite des affaires « surtout s’agissant d’échanges entre juridictions très éloignées ».

Needham invoque également le fait que le commerce chinois a été incapable d’instaurer un système de crédit, ce qui aurait empêché la classe marchande, et donc le capitalisme et la « science moderne » de se développer.

Goody considère cet argument comme dépourvu de tout réalisme car « même les cultures purement orales disposent toujours d’une forme quelconque de crédit ». En outre, selon Elvin que Goody cite en appui à son argumentation, « aucun historien de l’économie sérieux » « ne considèrerait aujourd’hui la dynastie Sung comme gravement sous-monétisée ».

Mon avis au sujet de l’essai Le Vol de l’Histoire

Le Vol de l’histoire est très riche en informations et donne envie d’approfondir le sujet, cependant la lecture de cet essai n’est pas chose aisée, j’ai trouvé l’exposé des arguments de Goody assez confus, la démonstration brouillonne et le contenu beaucoup trop dense : il arrive à l’auteur de l’essai de passer d’un sujet à l’autre sans transition aucune, ce qui est de nature à perturber la lecture. La pensée de l’auteur manque de structure et il n’est pas rare de devoir relire un même paragraphe plusieurs fois pour comprendre l’articulation du raisonnement de l’auteur.  Je reproche également à l’auteur de ne pas toujours citer d’exemples qui viendraient illustrer ses arguments – c’est notamment le cas lorsqu’il affirme que « toutes les civilisations qui ont connu l’écriture ont fait ou sont en mesure de faire l’expérience de phénomène de renaissance » – ce qui porte atteinte à la crédibilité de la thèse défendue. Je reproche également à l’auteur de citer comme argument les affirmations et/ou avis de certains intellectuels renommés tels que Braudel ou Elvin, ce qui à mon sens s’apparente à un argument d’autorité. L’auteur semble insinuer que les affirmations de ces intellectuels représentent des arguments irréfutables alors même qu’il accuse Braudel du délit d’eurocentrisme. En outre, lorsque Goody mentionne les idées d’un autre auteur (exemple : Engels), il n’est pas rare qu’il se réfère non pas aux écrits de cet auteur ( Engels ) mais à l’ouvrage écrit par un autre intellectuel ( Blue ) sans oublier que les arguments de Goody consistent parfois en de simples déductions, comme par exemple lorsqu’il affirme que « Tout pays produisant d’énormes quantités de biens dans des conditions commerciales et industrielles bien supérieures à celles de l’Europe, il est difficilement concevable qu’un tel pays puisse rejeter le commerce ».

 Je pense que cela fragilise quelque peu l’argumentation de Jack Goody et nous donne l’impression que l’auteur de l’essai s’acharne à nous faire adhérer à tout prix à sa thèse.

Historiographie 

Le vol de l’histoire est à rapprocher de L’histoire économique globale, paru en 2009 aux éditions Seuil, dans lequel Philippe Norel nous confirme que l’historiographie européenne considère que l’Europe a, depuis le 15e siècle, joué le rôle de moteur dans l’histoire économique mondiale.

Dans le chapitre « Quelle importance accorder à l’Eurocentrisme ? », l’auteur écrit que l’Europe s’est perçue « comme étant la seule à se moderniser, par ses moyens propres, la seule à connaître une sorte de « progrès naturel, la seule finalement à faire son histoire. Symétriquement, le reste du monde est implicitement vu comme stagnant, empêtré dans la tradition, incapable d’un développement autodynamique ». Cette conception des choses est reprise par Blaut dans son ouvrage Le Modèle des Colonisateurs du Monde. Diffusionnisme géographique et Histoire eurocentrique, paru en 2018 avec sa métaphore de l’histoire-tunnel, en vertu de laquelle le temps de l’Histoire se déroulerait linéairement à l’intérieur des frontières européennes (le tunnel), l’extérieur du tunnel n’étant pas pris en considération, voire rejeté dans la stagnation, le chaos ou la magie ».

Philippe Norel nous expose ensuite les raisons de l’ethnocentrisme européen ou eurocentrisme telles que les ont comprises Goody et Hobson :

            Goody avance la thèse selon laquelle l’ethnocentrisme est un penchant naturel et donc propre à chaque société qui n’accorde « d’importance qu’à sa propre histoire conçue comme centrale et éventuellement influente sur celles des autres ».

            Hobson, soutient une thèse plus radicale en vertu de laquelle « l’ethnocentrisme européen se serait radicalisé entre le 16e et le 19e siècle, par la construction d’une identité européenne négative, c’est-à-dire contrastant trait pour trait, d’abord avec l’identité musulmane, puis avec les identités indienne, persane ou chinoise que l’Europe commence pourtant par admirer ». Selon Hobson, l’identité européenne serait implicitement raciste dans la mesure elle attribuerait les différences avec les autres civilisations non à la génétique mais à la culture, aux institutions et à l’environnement.  Cette identité « raciste » serait à la base du discours colonialiste et impérialiste et aurait conduit à des pratiques justifiées au « nom de la propagation des valeurs de la civilisation ». En un mot, pour Hobson, « leur identité construite poussait les Britanniques vers l’impérialisme, pas simplement par qu’ils le pouvaient, mais surtout parce qu’ils croyaient qu’ils le devaient ».

Philippe Norel nous apprend également que Victor Hugo s’est rendu coupable d’eurocentrisme à l’occasion d’un discours qu’il prononça lors d’un banquet commémoratif de l’abolition de l’esclavage :

« La destinée des hommes est au Sud […]. Le moment est venu de faire remarquer à l’Europe qu’elle a, à côté d’elle, l’Afrique […]. Au 19e siècle, le Blanc a fait du Noir un homme ; au 20e siècle, l’Europe fera de l’Afrique un monde. Refaire une Afrique nouvelle, rendre la vieille Afrique maniable à la civilisation, tel est le problème ; l’Europe le résoudra. 

Allez, peuples ! Emparez-vous de cette terre ! Prenez là ! À qui ? À personne. Prenez cette terre à Dieu. Dieu donne la terre aux hommes. Dieu offre l’Afrique à l’Europe. Prenez là ! Où les rois apportaient la guerre, apportez la concorde ! Prenez la non pour le canon mais pour la charrue ! Non pour le sabre, mais pour le commerce ! Non pour la bataille, mais pour l’industrie ! […] Versez votre trop-plein dans cette Afrique, et du même coup résolvez vos questions sociales ! Changez vos prolétaires en propriétaires ! Allez, faites ! Faites des routes, faites des ports, faites des villes ! Croissez, cultivez, colonisez, multipliez ! Et que sur cette terre, de plus en plus dégagée des prêtres et des princes, l’esprit divin s’affirme par la paix et l’esprit humain par la liberté ! ».  

Fernand Braudel aurait également été coutumier des préjugés eurocentriques.

Phillipe Norel en vient à nous exposer les raisons pour lesquelles il est nécessaire de combattre l’eurocentrisme.

Tout d’abord, cela permettrait à l’histoire des peuples discrédités d’exister, de montrer la contribution souvent considérable des sociétés non européennes à la constitution de l’économie globale et de « mieux comprendre les ressorts des économies européennes, en dehors des images souvent avantageuses ou exagérées qui nous ont été inculquées ».

Iman Helal 

Master 1 Histoire médiévale

Mémoire à réaliser sous la direction de Madame Tixier du Mesnil

---

---