L’établissement du musée d’Orsay et de l’Orangerie conserve des collections entre 1848 et le début du XXe siècle. Pour Nicolas Gausserand, conseiller en charge des questions internationales et contemporaines du musée d’Orsay, ces collections concernent une période riche en bouleversements sociaux et politiques, mais aussi artistiques avec laquelle entre en résonnance la période dans laquelle nous nous situons actuellement. 

Les artistes de la fin du XXe siècle et du début du XXe siècle sont des figures de leur temps qui transcrivent dans leur médium de prédilection les transformations d’une société dans laquelle ils évoluent. Au sein du musée d’Orsay, les contre-points contemporains proposés par la programmation artistique, tels que l’invitation du président du musée d’Orsay, Christophe Leribault, à l’artiste américain Peter Doig, viennent souligner à quel point les mouvements sociétaux du XIXe siècle continuent d’avoir une résonance au XXIe siècle et donnent matière à peindre aux artistes. 

Peter Doig est l’un des plus grands peintres de la scène contemporaine, connu notamment par ses grands formats aux couleurs voyantes promptes à la contemplation. Du 17 octobre 2023 au 21 janvier 2024, l’artiste a été invité à exposer une dizaine de toiles, choisies par ses soins, afin de les faire dialoguer avec les collections du musée d’Orsay. En effet, pour l’artiste celles-ci se réfèrent au moment de l’histoire de l’art le plus important et le plus intéressant d’un point de vue des évolutions sociales ainsi que des porgès techniques et industriels. Le XIXe siècle est une période de transformation et d’évolution tant dans les techniques utilisées par les artistes que par les façons d’exposer. En effet, le Salon se voit concurrencer par les expositions de Sociétés d’artistes indépendants. C’est cette profusion et cette émulation artistique qui plaisent tant à l’artiste contemporain et qui s’expriment dans les collections du musée parisien. 

C’est en ce sens que Peter Doig revient en France avec « Peter Doig. Reflets du siècle. »,  première exposition de l’artiste depuis 2008, et au sein du musée d’Orsay pour entrer en résonance avec les pratiques artistiques qui caractérisent la deuxième moitié du XIXe siècle, tels la photographie et l’expérimentation des techniques. C’est un moment de l’histoire de l’art auquel l’artiste fait référence dans son travail accroché dans une salle à coupole et avec lequel il entre directement en dialogue avec deux salles mitoyennes par une sélection d’œuvres de son choix, enrichie de ses commentaires. 

Pour Peter Doig, les artistes utilisent les musées comme des sources d’inspirations pour aller de l’avant. Ainsi, si dans sa technique Peter Doig semble éminemment contemporain et très éloigné de la peinture des maîtres du XIXe siècle, il est aisé de le rapprocher visuellement avec des artistes comme Cézanne et ses baigneurs. En outre, tout comme l’art du passé, ses tableaux appellent à une certaine contemplation, un temps de méditation devant l’œuvre pour comprendre les choix de l’artiste et y trouver les inspirations et parallèles artistiques puisés dans les moments de sa vie quotidienne, ses trajets, ses proches : ce qui le rapproche d’autant plus des collections du musée d’Orsay. 

 

Untitled (Ping Pong) – 2006/2008 – Photo de Séva Ankevis

 

En plus d’avoir choisi ses propres œuvres pour l’invitation en son honneur, Peter Doig a été convié par le musée à proposer son regard sur les collections. L’artiste a eu carte blanche pour l’accrochage des œuvres du musée d’Orsay. Celui-ci est remarquable par des choix novateurs mélangeant les mouvements, les formats et les artistes, créant de cette façon des dialogues inattendus mais permettant d’élaborer de nouvelles dynamiques. Néanmoins, le choix de séparer ses œuvres de celles des collections d’Orsay était délibéré, tout comme celui de ne pas choisir des œuvres trop similaires afin d’éviter les parallèles directs et de ne pas confronter son propre travail avec les chefs-d’œuvres des grands maîtres du passé.  

La réception de ce choix de disposition des œuvres auprès des visiteurs n’a pas été compris, ni apprécié. Ceux-ci pensant trouver trois salles dédiées à l’artiste contemporain et pouvant trouver superflu voir abscons le parallèle avec les œuvres choisies, voire sorties des réserves des collections. Pourtant, l’invitation de Peter Doig au sein de l’établissement tendait, via sa peinture et les collections ,du musée à refléter le siècle actuel. En outre, Peter Doig a basé son choix sur des œuvres qui lui évoquaient son propre cheminement esthétique, celles-ci pouvant faire écho à son œuvre par des cadrages, des paysages ou encore les traitements des figures. 

C’est un accrochage novateur, c’est la première fois qu’un tel brassage et de telles interconnexions entre les œuvres des collections sont effectués pour permettre aux œuvres de dialoguer entre elles et avec la scène artistique contemporaine. On retrouve ainsi accroché sur des cimaises voisines Manet, figure de proue d’une nouvelle peinture et Jean-Léon Gérôme, fervent adepte du style académique. Si l’on peut facilement rapprocher Peter Doig de l’art figuratif à la touche empâtée et aux coloristes novateurs de la fin du XIXe siècle tels Gauguin, chez des académiques comme Jean-Léon Gérôme, dont Doig a choisi Combats de coqs,  ce sont des paysages lointains qui évoquent et dialoguent avec l’œuvre de l’artiste.  

« Les correspondances entre ces peintures m’intéressent tout autant que leurs différences. Elles rendent toutes compte d’une utilisation très singulière de la peinture – abondante et fluide, douce et vaporeuse, étudiée et directe, voilée et mystérieuse, plâtrée et rayée. Chaque peinture nous plonge dans sa propre matérialité, et dans les mystères du sujet peint. » 

Cette invitation d’un artiste actuel au sein des collections du musée d’Orsay tient de la volonté de faire vivre les collections à travers des parallèles contemporains qui tient une place importante et une vraie dynamique dans la politique culturelle du musée d’Orsay. Une volonté renouvelée depuis ces derniers mois avec le choix d’exposer une artiste franco-israélienne dont l’inspiration dans sa vie de tous les jours tend à la rapprocher des artistes Nabis dont le musée d’Orsay conserve une partie des chef-d’œuvres. 

 

ANKEVIS Séva 

Directrice de recherche : Julie Le Gac  

Master 2 – Histoire des sociétés modernes et contemporaines dans la mondialisation EAD 

 

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