L’ouvrage de Roberto Bianchi, “Pace, Pane, Terra, il 1919 in Italia”, explore l’année 1919 en Italie avec une approche sociale, mettant en lumière les luttes paysannes, les émeutes contre la vie chère et la grande grève contre la guerre. À travers une analyse approfondie et appuyée par une richesse documentaire provenant des archives nationales italiennes, l’auteur recontextualise ces événements dans le cadre de la crise de l’État libéral italien et démontre leur impact sur les années suivantes. Il étudie ces mouvements qui ont façonné l’histoire italienne, marquant une transition entre les traditions anciennes et les formes de mobilisations nouvelles du XXe siècle. Bianchi offre ainsi une perspective nuancée et essentielle sur cette année charnière, démontrant son importance dans l’histoire sociale et politique de l’Italie.

Roberto Bianchi est un historien contemporanéiste italien spécialisé en histoire sociale et enseigne à l’Université de Florence. Ses travaux traitent principalement des mouvements sociaux et des luttes politiques ainsi que des origines du fascisme durant la période de l’après Première Guerre mondiale. Il est vice-directeur de l’ISRT ( Istituto storico toscano della resistenza e dell’età contemporane ), membre de la direction éditoriale de la revue d’histoire contemporaine Passato e presente et de la revue Histoire & Sociétés. L’auteur de l’ouvrage étudie notamment l’histoire sociale et politique, et dans son ouvrage Pace, Pane, Terra, il 1919 in Italia ¹  , paru chez Odradek edizioni, il approfondit l’année charnière que représente 1919 en Italie.   

 

L’ouvrage Pace, Pane, Terra, il 1919 in Italia est rédigé en Italie, et n’est actuellement pas traduit en français. Il est organisé en trois grandes parties thématiques et chronologiques désignées dans le titre de l’ouvrage. L’auteur commence son propos avec une partie introductive où il mentionne le contexte politique, social et économique menant à l’année étudiée. À partir de ce constat, la première partie du travail qui s’intitule Terra : Il risveglio delle campagne ²  , traite de la question des luttes paysannes à travers les conflits traditionnels autour de la gestion des terres qui peuvent être résumés avec des slogans comme « la terra ai contadini ³   ». Le gouvernement d’après-guerre fait de nombreuses promesses aux paysans qui représentaient la majeure partie de l’armée et se retrouvent souvent sans emploi. Mais la guerre a modifié l’organisation du monde paysan et dès le début de l’année 1919, il commence à occuper illégalement les terres agricoles en s’émancipant du traditionnel rapport avec l’organisation socialiste qui régissait le monde ouvrier d’avant-guerre. Les luttes agricoles sont décrites comme un retour à d’anciennes formes de manifestation populaire. Le décret Visocchi permet de calmer temporairement les tensions sociales en légalisant les occupations durant une période définie mais ne sera pas suffisant pour arrêter le mouvement qui reprend de l’ampleur au début de l’année 1920. L’histoire et la géographie des luttes agricoles sont approfondies au cours de cinq sous chapitres et permettent d’avoir une couverture des évènements sur l’ensemble du territoire italien. Dans la seconde partie Pane : i tumulti annonari ⁴  , Roberto Bianchi examine les mouvements contre la vie chère ⁵  qui ont pour objectif de contrôler les approvisionnements alimentaires et de lutter contre l’augmentation des prix des produits de première nécessité. Ces protestations commencent à partir de juin 1919. Elles reflètent une société toujours mobilisée après les sacrifices de la guerre face à un État démobilisé qui lui ne fait pas face à ses responsabilités. Après-guerre, les protections que l’Etat italien avait mis en place, pour contenir l’augmentation des prix des biens de consommations, sont supprimées et cela crée donc des tensions sociales. Comme illustré dans le mouvement pour la terre, i moti contro il caroviveri se présentent aussi comme une forme ancienne de protestation populaire avec les éléments nouveaux de la lutte du XXème siècle. Ces contestations sont présentées par l’auteur comme un mouvement qui s’épanouit dans une situation révolutionnaire, s’opposant ainsi à une majeure partie de l’historiographie et y voit ces mouvements comme à l’origine du fascisme.  L’historien consacre sa dernière grande partie à la grande grève contre la guerre et a pour titre Pace : Lo scioperissimo ⁶  . Au cours de ce chapitre, Roberto Bianchi détaille étape par étape la préparation et le déroulement de cette grève. Cette mobilisation est mise en avant comme un exemple d’action internationale après la Première Guerre mondiale. Ce mouvement de grève massive a lieu les 20 et 21 juin 1919 pour protester contre les conditions économiques et sociales difficiles mais surtout pour s’opposer au traité de Versailles et pour défendre la Révolution russe. Cette tentative d’action internationale en faveur de la solidarité entre les peuples est vue comme une défaite par ses organisateurs suite à la faible mobilisation en France et en Angleterre.  Néanmoins l’auteur démontre que les manifestations en Europe centrale et dans les Balkans ont eu du succès et que cette mobilisation représente tout de même la première grève internationale du XXème siècle. Pour clore son ouvrage, l’auteur réalise un appendice considérable de la géographie des mouvements contre la vie chère en fournissant des détails pour toutes les grandes villes italiennes et pour lesquelles il a référencé les sources archivistiques et bibliographiques traitant de la question.  

 

Le travail de recherche de Roberto Bianchi est permis par plusieurs types de sources écrites. L’auteur utilise principalement les archives publiques italiennes, essentiellement les archives centrales nationales à Rome ⁷  dans lesquelles il a puisé de nombreux documents issus des fonds ministériels. Pour approfondir son travail sur les mouvements sociaux à l’échelle des villes, il s’appuie sur les documents provenant des archives d’État communales, surtout en Toscane. Nombre de documents sont extraits d’archives judiciaires provenant de tribunaux pénaux. Enfin on note qu’il a recours à une très riche bibliographie aussi bien italienne qu’internationale qui permet d’affirmer les informations étayées tout au long de l’ouvrage. Ces deux types de documents sont insérés très régulièrement dans l’ouvrage avec des extraits afin d’illustrer les arguments qu’il avance. 

 

L’objectif de la recherche de l’auteur est de convaincre son lectorat de l’importance et de l’intérêt d’étudier avec une nouvelle approche l’année 1919 dans une perspective politique et sociale. En s’appuyant sur cette riche documentation archivistique et sur l’historiographie existante, Roberto Bianchi place cette année 1919 dans une phase plus large et recontextualise les évènements qui précèdent Il Biennio Rosso ⁸  . Également, il tente de présenter cette année charnière en s’émancipant des discours dualistes sur Révolution/contre-Révolution ou encore vainqueurs/vaincus en démontrant la spécificité du mouvement entre traditions et nouvelles formes d’actions. L’auteur établit comment la crise de l’Etat libéral italien a permis le développement de partis et mouvements qui influenceront l’histoire italienne. Enfin, il prouve comment l’année 1919 malgré les échecs politiques et sociaux des mouvements a joué un rôle déterminant pour l’année suivante au cours de laquelle les luttes des paysans et ouvriers auront une portée considérable. Grâce à une écriture agréable et fluide, cette étude offre donc une contribution essentielle à notre compréhension de cette période cruciale de l’histoire italienne et de ses répercussions à long terme.  

 

 

Hugo Lejeune  

M2 EAD Histoire sciences sociales du politique 

Mémoire de recherche sous la direction de Xavier Vigna 

 

 

 

 

 

1.   Traduction : Paix, Pain, Terre, 1919 en Italie     [↩]
2.   Trad : Terre, le réveil de la campagne  [↩]
3.   Trad : La terre aux paysans  [↩]
4.   Trad : Pain : les troubles liés au rationnement  [↩]
5.   En italien: moti contro il caroviveri    [↩]
6.   Trad : Paix, la grande grève    [↩]
7.   Archivio centrale dello Stato    [↩]
8.   Trad : Les deux années rouges  [↩]

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