Montage associant, en haut à gauche blessures au crâne et au fémur, ossements découverts dans une fosse commune du port de Sidon¹  (XIII^e siècle), en haut à droite image microscopique de parasites intestinaux de type Oxyures, en bas scène de combat, détail d’une miniature de la Bible de Maciejowski² (XIII^e siècle).

Enfonçons une porte ouverte : les croisades en Orient, que l’on circonscrira artificiellement de 1095 à 1291 (c’est-à-dire de l’appel du Pape Urbain II à la chute de Saint Jean d’Acre) sont un rêve d’historien du point de vue de l’abondance de sources écrites pour le Moyen Âge central. Les trois années de campagne de la Première croisade (1096-1099), à titre d’exemple, ne comptent pas moins de dix chroniqueurs latins, dont quatre témoins oculaires, ainsi qu’un auteur ayant pu interroger plusieurs vétérans de la croisade et un autre ayant accès aux riches archives du royaume de Jérusalem. En guise d’autre exemple « superlatif » et matière à étonnement, la chronique de Robert le Moine, l’Historia Hierosolymitana, est connue par le biais de pas moins de quatre-vingt-quatre (!) manuscrits conservés. A ces chroniques, qui permettent depuis le XIX^e siècle de reconstituer événements et itinéraires, il faut ajouter les nombreuses lettres de croisés éditées par H. Hagenmeyer³ dès 1901.

Cette profusion de sources littéraires est évidemment l’arbre qui cache la forêt. Dans une démarche résolument positiviste, elle a pu donner le sentiment aux historiens du XIX^e et de la première moitié du XX^e siècle d’accéder au « noyau⁴ » de l’événement, dans un véritable fantasme de journal de marche : tout avait été vu, puis rédigé par un certain nombre de participants et chroniqueurs contemporains. L’accès à la réalité « toute crue », au jour le jour, était à portée de main, il suffisait de lire les sources. L’historiographie des trente dernières années s’est en revanche efforcée de démontrer que ces récits relevaient évidemment d’une forme de représentation éminemment biaisée, construisant une narration à partir d’un certain milieu culturel (pour l’essentiel, celui des clercs du XII^e siècle, pour ce qui est de la Première croisade) à destination d’un certain public (pour l’essentiel, les aristocrates du XII^e siècle). Les textes n’ont pas de visée historique, ils inscrivent les événements dans l’histoire du Salut et/ou sont au service du prestige des nobles qui y sont mis en scène. Véritable gestes⁵ nervurées de topoï littéraires empruntés aux écrivains antiques, voire de formules directement copiées de Lucain ou Virgile, les chroniques mettent en scènes combats et duels homériques, dont il est impossible de ne pas questionner la réalité⁶ .

Mais si les sources littéraires ne donnent accès qu’à un univers de représentation, comment rendre compte de la société des XII^e et XIII^e siècles⁷ , de sa rencontre avec l’Orient, de ses pratiques guerrières et de son éthos, pour ce qui relève, par exemple, du domaine des War Studies ? Il se trouve qu’au-delà de l’abondance de ce corpus littéraire, la région et la période sont également riches en ressources archéologiques que les deux articles synthétisés dans ce billet se proposent d’approcher sous deux angles différents. Le premier, Crusaders as Microcosm : Soldiers, Pilgrims and their Intestinal Parasites in the Medieval Mediterranean, est celui de l’analyse génétique des couches sédimentaires des latrines de deux sites latins du XIII^e siècle, tandis que le deuxième, Weapon Injuries at Vadum Iacob Castle, est celui de l’analyse paléopathologique des ossements d’une fosse commune de la fin du XII^e siècle dans laquelle cinq individus adultes, appartenant a priori à la garnison latine, ont vraisemblablement été jetés par les hommes de Saladin après l’assaut et la destruction de la place-forte du Gué de Jacob (Vadum Iacob) en 1179, sur le Jourdain, à proximité de la ville moderne d’Ateret, en Israël. On s’interrogera avec les auteurs sur la manière dont ces sources archéologiques viennent compléter et éclairer les sources littéraires, notamment de par leur absence de « mise en forme » : ni les blessures multiples des défenseurs de Vadum Iacob, ni les traces laissées par les nombreux parasites intestinaux de ceux de Saint Jean d’Acre ou de Sarandra Kolones (Chypre) ne sont le résultat d’une représentation à destination d’un public⁸ . S’ils ne donnent pas à voir « l’histoire toute crue⁹ », ils renseignent à la fois sur les pratiques guerrières, l’équipement, la santé et la condition physique du combattant latin des XII^e et XIII^e siècles en Orient.

Le premier article, Crusaders as Microcosm : Soldiers, Pilgrims and their Intestinal Parasites in the Medieval Mediterranean¹⁰ , est dû à la plume de Piers D. Mitchell. Il a été publié (p. 71-84) dans The Crusades and Nature : Natural and Supernatural Environments and Encounters, édité par J. Byrd et E. Lapina chez Palgrave Macmillan (Londres, 2024). Il est consacré à l’analyse des traces microscopiques et protéiniques de parasites intestinaux trouvés dans des couches sédimentaires datées du XIII^e siècle des latrines des places fortes de Saint Jean d’Acre (au nord de l’actuelle Haïfa en Israël) et de Sarandra Kolones (sur la côte ouest de Chypre, près du port de Paphos). Mitchell enseigne à l’Université de Cambridge, au sein du département d’archéologie où il dirige le laboratoire Ancient Parasites. Il est l’auteur de nombreux articles consacrés aussi bien à l’étude des parasites humains des périodes antiques et médiévales, qu’à l’analyse paléopathologique de squelettes humains de ces mêmes époques. Il est notamment coauteur de l’autre article objet de cette rapide synthèse. Parmi ses ouvrages notables, on citera son Medicine in the Crusades. Warfare, Wounds and the Medieval Surgeon (Cambridge, Cambridge University Press, 2004).

Crusaders as Microcosm aborde les croisades sous un angle inhabituel pour l’historien, en commençant par définir le croisé non comme un combattant ou un pèlerin en quête de salut, mais à la manière des sciences de la vie, c’est-à-dire en tant que microcosme associant plusieurs organismes : bactéries, virus, champignons, insectes (…), dont certains sont essentiels à son bien-être, tandis que d’autres menacent sa santé. Malgré le passage du temps (les couches sédimentaires analysées sur les deux sites en question ont plus de sept cents ans), les traces d’un certain nombre de ces organismes sont encore identifiables. L’article se présente presque comme une sorte de manifeste en défense et illustration de l’étude « paléo-parasitaire », arguant du fait que ce type de travaux permet à la fois de mesurer l’état de santé des combattants et pèlerins en Terre Sainte au Moyen Âge (sur la base de nos connaissances actuelles des effets des dits parasites sur la santé humaine), les conditions sanitaires dans lesquels ils vivaient et les méthodes par lesquels la médecine de l’époque entendait traiter ces maux.

L’auteur commence par établir les modalités de contamination des différents parasites et leur typologie (vers intestinaux, aussi bien que bactéries provoquant la dysenterie par exemple). Il précise ensuite une double méthode d’approche du problème. En premier lieu, via les textes dans lesquels les chroniqueurs contemporains font état de maladies ayant touché croisés et pèlerins. En l’espèce, les chroniqueurs tels Jean de Joinville, qui narre la septième croisade, font état d’épisodes de dysenterie, dont les symptômes sont clairement reconnaissables (diarrhées, extrême faiblesse liée à la déshydratation, décès par épuisement). Les modalités d’infection et les parasites à l’oeuvre sont évidemment inaccessibles aux chroniqueurs médiévaux et c’est là qu’entre en jeu la deuxième approche décrite par Mitchell. Elle consiste en une analyse microscopique de sédiments collectés dans les latrines de forteresses latines pour les années 1260-1291 (Saint Jean d’Acre) et 1191-1222 (Sarandra Kolones). Ces analyses microscopiques permettent d’identifier les œufs de différents vers intestinaux de types ténias, ascaris ou trichocéphales. Elles sont complétées par une analyse dite « ELISA¹¹ » visant à détecter les protéines spécifiquement produites par certains parasites protozoaires. Le site de Saint Jean d’Acre, à ce titre, montre typiquement les marqueurs des parasites à l’origine de la dysenterie. Les sédiments sont, pour leur part, datés au Carbone 14 et rapprochés des périodes connues d’occupation des sites.

Mitchell passe alors à un volet d’analyse qui ouvre les perspectives permises par l’approche de ces sources évidemment particulières. Elles nous renseignent en premier lieu sur les conditions de vie et d’hygiène des populations du XII^e-XIII^e siècle, mais surtout d’une garnison ou d’une armée médiévale en campagne : ces parasites se transmettent par le biais d’aliments peu ou mal cuits (bois peu ou pas disponible, impossibilité de faire du feu, nécessité du transport de denrées séchées ou conservées dans la saumure…), et par l’impossibilité de se laver les mains (manque d’eau évident, surtout en état de siège ou en campagne en Orient), voire par la contamination de l’eau accessible par les matières fécales humaines ou animales dans le camp des assiégeants, par exemple. On signalera à ce titre un excellent article¹² de B. Bachrach mettant en lumière le casse-tête logistique associé aux milliers de chevaux du camp de Dives-sur-Mer lors de la préparation de la campagne du duc de Normandie en 1066, campagne qui culmine avec la bataille d’Hastings. Les centaines de milliers de litres d’urine et les tonnes de crottin de cheval, associés aux déchets produits par le corps expéditionnaire lui-même, nécessitaient obligatoirement une évacuation pensée à l’avance, voire sont peut-être en partie à l’origine du déménagement du camp vers Saint-Valéry-sur-Somme, sans parler de la pression exercée sur l’environnement immédiat par des milliers d’individus non-productifs (garnison de Dives) via leurs prélèvements : eau, nourriture, bois de chauffage, rapines. Et cela pendant plusieurs mois. Il s’intéresse ensuite au poids d’une infection massive par ces parasites sur une population déjà soumise à un stress : l’incapacité à absorber les nutriments, conjuguée aux nécessités et fatigues du combat, a nécessairement un effet sur la capacité offensive ou défensive des assiégés, comme des assiégeants. Enfin, après avoir considéré les travaux de la médecine médiévale de la fin du XII^e liés à l’identification de vers dans les matières fécales (et interprétée selon les canons de la médecine hippocratique comme symptomatique d’un déséquilibre des humeurs), Mitchell envisage une perspective beaucoup plus large de modification du microbiote intestinal depuis les populations de chasseurs-cueilleurs préhistoriques vers celles des périodes industrielles. L’analyse des sites du Proche Orient, comme ses travaux antérieurs sur un site balte du XIV^e siècle indiquent curieusement une transition du microbiote déjà très avancée dès l’époque médiévale. Si ce dernier élément joue évidemment peu sur les savoirs mobilisables pour les War Studies, les précédents constituent de précieux supports à la compréhension de la vie quotidienne et des conditions de combat à l’œuvre lors d’un siège ou d’une campagne au Moyen Âge¹³ . On verra que l’article suivant, consacré aux apports de la paléopathologie des ossements, ouvre également des perspectives éclairantes sur notre compréhension du déroulé effectif d’un siège au XII^e siècle.

Le deuxième article, Weapon Injuries in the 12th Century Crusader Garrison of Vadum Iacob Castle, Galilee, a été publié en 2006 par Y. Nagar, R. Ellenblum et P. D. Mitchell (auteur de l’article précédent) dans l’International Journal of Osteoarchaeology (p. 145 – 155). Ronnie Ellenblum (décédé en 2021) est un chercheur israélien qui enseignait au sein du département de géographie de l’Université hébraïque de Jérusalem. Spécialisé dans la géographie médiévale et plus spécifiquement celle des croisades, ses derniers travaux s’intéressaient au climat, dans une approche du temps long quasi-braudélienne. A l’Université hébraïque de Jérusalem, Ellenblum dirigeait notamment un séminaire de fouilles sur le site même de Vadum Iacob ¹⁴  près de la ville moderne d’Ateret. Son dernier ouvrage s’intitule The Collapse of Eastern Mediterranean: Climate Change and the Decline of the East, 950-1072 (Cambridge, Cambridge University Press 2012). Yossi Nagar, pour sa part, est un anthropologue travaillant au sein de la Israel Antiquities Authority, l’agence gouvernementale responsable des fouilles et de la préservation des sites archéologiques israéliens. Les campagnes de fouilles sur le site de Vadum Iacob ont été menées de 1993 à 2009. Les cinq individus objets de l’article de ces trois auteurs ont été excavés par Y. Nagar lui-même, peu avant 2006. L’étude est ainsi consacré aux blessures périmortem subies par ces cinq membres supposés de la garnison latine au cours ou au terme de l’assaut de l’été 1179 mené par les troupes de Saladin sur la citadelle en construction. Cette dernière gardait un passage à gué sur le Jourdain (Galilée) et devait compter un effectif de l’ordre d’un millier d’hommes, dont quatre-vingt Templiers. Les sources littéraires arabes¹⁵ indiquent que le site n’a pas été occupé par la suite. Les troupes de Saladin l’ont rasé et ont jeté la majorité des dépouilles des défenseurs dans les citernes de la forteresse (site non identifié à ce jour). Les cinq individus étudiés dans cet article ont, pour leur part, été trouvés sous les vestiges d’une tour, au niveau d’une couche de cendres correspondant à l’effondrement de cette dernière.

L’article débute par une mise en lumière de la rareté des sites archéologiques associés à une bataille médiévale. Il souligne ainsi que les trois sites quasi canoniques (Visby, Towton et Aljubarrota, respectivement en mer Baltique, en Angleterre et au Portugal), dont tous les passionnés de War Studies médiévales sont familiers, sont très excentrés sur les pourtours de l’Europe occidentale et témoins de combats du Moyen Âge tardif (XIV^e-XV^e siècles) aux techniques et à l’armement différents de ceux du Moyen Âge central, période des croisades en Orient selon les bornes chronologiques retenues en introduction. Par ailleurs, ces sites illustrent des batailles rangées, distinctes dans leur déroulé et leurs manœuvres d’un siège, tel celui de Vadum Iacob en 1179. Après un rapide rappel du déroulé du siège, moins d’un an après le début de sa construction (la forteresse n’était donc pas terminée au moment de l’assaut des troupes musulmanes), les trois auteurs passent à la description des pathologies des cinq individus retrouvés. Il s’agit de cinq hommes âgés de vingt à quarante ans. Quatre d’entre eux portent plusieurs blessures par armes tranchantes ou perforantes. L’individu aux ossements intacts est vraisemblablement décédé de blessures aux tissus mous, la ou les arme(s) n’ayant pas atteint les os. De nombreuses pointes de flèches ont été retrouvées au même endroit, soit incrustées dans les os, soit étroitement associées à eux. L’article prend également soin d’expliquer comment les blessures apparentes et d’origine humaines ne sont pas celles éventuellement produites par les instruments de fouille au moment de l’extraction, mais bien des blessures périmortem (coupures nettes sur des os encore riches en protéïnes, différentes des coupures à la truelle qui « émiettent » les os).

L’étude passe alors à son volet analyse, en s’interrogeant en premier lieu sur la pression démographique exercée par les princes croisés sur la population pour s’assurer une force combattante suffisante. Les cinq hommes sont âgés de vingt à quarante ans. Même si l’échantillon est très restreint, l’âge moyen tendrait à indiquer que l’aristocratie croisée ou les ordres militaires ne prélevaient pas de classes inhabituelles, malgré le manque de combattants et la pression de Saladin : ni adolescents, ni vieillards dans le groupe étudié¹⁶ . Les auteurs s’interrogent ensuite sur la nature des blessures reçues par les cinq individus : elles ne semblent pas compatibles avec une exécution au moment de la chute de la forteresse (pas de blessures tranchantes aux cervicales évoquant une vraisemblable décapitation). De fait, les blessures ont principalement été reçues de face, avec l’éventail relativement complet des armes utilisées par les forces musulmanes à la fin du XII^e siècle : flèches ou carreaux d’arbalète, épées, dagues. Un échantillon plus large aurait pu illustrer les blessures contondantes typiques associées à une masse d’arme. L’absence de blessure correspondant à un coup de lance, peut, pour sa part, être dû au fait que cette dernière est certainement difficile à manipuler dans le contexte relativement confiné de l’assaut final dans une forteresse. Les blessures illustrent enfin remarquablement la protection offerte par le haubert vraisemblablement porté par ces hommes. Cette protection de mailles, dont leurs corps ont été dépouillés avant d’être jetés à l’endroit où les archéologues du XXI^e siècle les ont retrouvés, couvre, au XII^e siècle, l’intégralité du corps, à l’exception de la tête, des avant-bras et des jambes. De fait, les blessures les plus impressionnantes des individus sont situées au visage (mâchoire tranchée), à l’avant-bras (amputation complète typique d’une blessure de défense : l’individu tente de parer un coup en l’absence de bouclier), et aux jambes, sous le genou. Les auteurs concluent que soit le haubert jouait effectivement son rôle protecteur (sinon pourquoi se donner la peine de le porter ?), soit les assaillants ciblaient spécifiquement les zones moins protégées, par expérience et pour éviter d’émousser leurs lames. La répartition des blessures, enfin, montre globalement un schéma différent d’une bataille en champ ouvert¹⁷ telle Visby : blessures principalement reçues de face, à la tête, aux jambes et aux avant-bras. Alors que les ossements de Visby propose a contrario de très nombreuses blessures reçues de dos et à la tête. Il est possible que ces cinq défenseurs aient effectivement tenu jusqu’au bout un périmètre donné, soit par discipline (les combattants de Visby étaient, par comparaison, une milice citadine peu encline à soutenir impavide l’assaut de leurs opposants danois), soit parce qu’un combat dans une enceinte fermée n’offre guère d’échappatoire, une fois que les assaillants ont passé la brèche.

Les ressources de la paléopathologie offrent ainsi au chercheur en War Studies un précieux complément aux sources écrites. Elles renseignent sur l’état de santé des combattants, leur mode de vie, les conditions d’hygiène en état de stress, les modalités du combat, l’efficacité des armes et des protections portées, l’histoire du guerrier inscrite dans ses os (traces de guérison de blessures antérieures), ainsi que le sort des défenseurs au terme d’un assaut victorieux. Le lecteur curieux prolongera à profit ces réflexions par la lecture attentive d’autres articles traitant de sujets similaires pour la période des croisades. Nous citerons à titre d’exemples Equid Skeletons from the Frankish Castle of Vadum Iacob: Archaeozoological Evidence of a Massacre¹⁸ (sur le même site archéologique du Gué de Jacob), Weapon Injuries in the Crusader Mass Graves from a 13th Century Attack on the Port City of Sidon, Lebanon¹⁹ (avec un échantillon plus important d’individus – vingt-cinq – ayant manifestement subi une attaque d’assaillants à cheval les ayant poursuivis, puis exécutés pour certains) et Estimating Molecular Preservation of the Intestinal Microbiome via Metagenomic Analyses of Latrine Sediments form two Medieval Cities ²⁰ (pour une comparaison des contaminations parasitaires de sites aussi différents que Riga et Jérusalem). Si le corps des croisés peut être documenté de la sorte, on rêve de la source qui permettrait d’en faire autant de leur état mental. Pour cela, hélas, il faut s’en remettre aux représentations littéraires et à une interprétation prenant en compte un contexte socio-culturel radicalement éloigné du nôtre²¹ .

David Andriamahaleo

M2 Histoire médiévale

sous la direction de Matthieu Rajohnson

1. Mikulski Richard, Schutkowski Holger, Smith Martin, Doumet-Serhal Claude et Mitchell Piers, « Weapon Injuries in the Crusader Mass Graves from a 13th Century Attack on the Port City of Sidon, Lebanon », Plos One, vol. 8, 2021, p. 10. [↩]
2. Bible de Maciejowski, The Morgan Library and Museum, MS M.638, détail du fol. 23v. [↩]
3. Hagenmeyer Heinrich (dir.), Epistulae et chartae ad historiam primi belli sacri spectantes, quae supersunt aevo aequales ac genuinae. Die Kreuzzugsbriefe aus den Jahren 1088 – 1100: Eine Quellensammlung zur Geschichte des ersten Kreuzzuges, Wagner, Innsbruck, 1901. H. Hagenmeyer est l’une des figures marquantes du “golden age” (J. Riley-Smith) de l’historiographie des croisades. Il établit à la toute fin du XIX^e siècle un grand nombre d’éditions de référence du corpus documentaire utilisé jusqu’à nos jours. [↩]
4. Heinrich von Sybel cité dans Bull Marcus et Kempf Damien, « L’histoire toute crue : la Première croisade au miroir de son histoire », Médiévales. Langues, Textes, Histoire, n^o 58, 2010, p. 152. [↩]
5. Gesta Francorum, Gesta Dei per Francos, Gesta Tancredi… [↩]
6. Un champ de recherche s’ouvrirait d’ailleurs à celui ou celle qui s’interrogerait sur le caractère performatif de certains morceaux de bravoure (adversaire coupé en deux, ours féroce terrassé d’un coup d’épée, chevauchée intrépide…) : incitent-ils les aristocrates qui les lisent à se comporter conformément aux actions décrites dans les récits du passé, transposant ainsi dans le réel des créations littéraires ? [↩]
7. En dehors, donc, de la manière dont elle se représente justement et quelle que soit la capacité du chercheur à voir au-delà des apparences littéraires. [↩]
8. Abstraction faite, pour Vadum Iacob, de l’éventuelle exécution de prisonniers au cours ou après la prise de la forteresse, en guise d’avertissement ou message destiné au reste de la garnison. Quand bien même, les blessures nous renseigneraient alors indubitablement sur une pratique guerrière, autant que sur les derniers instants de ces malheureux. On verra que les auteurs écartent cette possibilité et retiennent l’hypothèse d’une mort -éminemment violente- au combat. [↩]
9. Bull Marcus et Kempf Damien, « L’histoire toute crue », op. cit., 2010, p. 151‑160. [↩]
10. Désormais abrégé en Crusaders as Microcosm. [↩]
11. Pour Enzyme Linked Immunosorbent Assay. [↩]
12. Bachrach Bernard S., « Caballus et Caballarius in Medieval Warfare », in H Chickering et T Seiler (dir.), The Story of Chivalry, Kalamazoo, 1988, p. 173‑211. [↩]
13. Le lecteur de Drieu la Rochelle se souviendra peut-être, de manière totalement anachronique, de ce passage non-héroïque au possible du recueil de nouvelles La Comédie de Charleroi. L’auteur y raconte dans Le voyage des Dardanelles les assauts du corps expéditionnaire français à Gallipoli, sans cesses interrompus par des pauses forcées nécessaires aux hommes atteints de dysenterie, malgré la mitraille et le pilonnage d’artillerie. A deux-mille kilomètres de distance, les croisés du XII^e siècle y auraient trouvé un théâtre d’opération dont les conditions climatiques et sanitaires, exception faite des blessures par balles et par éclats, ne les auraient guère dépaysés. [↩]
14. Le Vadum Iacob Research Project : http://vadumiacob.huji.ac.il/about.html (consulté le 8 octobre 2024). [↩]
15. Ibn al-Athir, par exemple, in Recueil des Historiens des Croisades. Historiens orientaux, t. IV, Paris, Académie des inscriptions et belles lettres, 1872-1906, p. 636. [↩]
16. Les auteurs ne se leurrent toutefois pas sur sa représentativité, aux antipodes de l’échantillon de Visby (plus de mille individus), ou même de Sidon (vingt-cinq). [↩]
17. Par opposition au contexte confiné d’un siège, n’offrant pas les mêmes possibilités de manœuvre et de fuite. [↩]
18.  Motro Hadas, Rabinovitch Rivka et Ellenblum Ronnie, « Equid Skeletons from the Frankish Castle of Vadum Iacob: Archaeozoological Evidence of a Massacre », in Kate Raphael (dir.), The Excavation of the Templar Fortress at Jacob’s Ford (1993-2009), Annual of the Nelson Glueck School of Biblical Archaeology Hebrew Union College, Jewish Institute of Religion, vol. XIII, 2023, p. 119‑152. [↩]
19. Mikulski Richard, Schutkowski Holger, Smith Martin, Doumet-Serhal Claude et Mitchell Piers, « Weapon Injuries in the Crusader Mass Graves from a 13th Century Attack on the Port City of Sidon, Lebanon », op. cit., 2021. [↩]
20. Sabin Susanna, Yeh Hui-Yuan, Pluskowski Aleks, Clamer Christa, Mitchell Piers et Bos Kirsten, « Estimating Molecular Preservation of the Intestinal Microbiome via Metagenomic Analyses of Latrine Sediments form two Medieval Cities », Philosophical Transactions of the Royal Society B, n^o 1812, vol. 375, 2020, [https//doi.org/http://dx.doi.org/10.1098/rstb.2019.0576]. [↩]
21. La démarche serait purement spéculative, mais on renverra le lecteur curieux aux portraits horrifiques de Thomas de Marle, sire de Coucy, dans les œuvres de Suger (Vie de Louis VI le Gros) et de Guibert de Nogent (Vita sua). L’ultraviolence ahurissante de ce vétéran de la Première croisade, mise en œuvre sur ses terres picardes à son retour, pose la question d’un éventuel PTSD (autant que celle de « prédispositions » particulières). [↩]

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