Je souhaite présenter cette association au sein de laquelle je suis « donneuse de voix » depuis quatre ans, activité que je vais mettre en sommeil le temps de préparer mon mémoire de M2, faute de temps suffisant à y consacrer. 

Historique
La première Bibliothèque Sonore a vu le jour à Lille en 1972 avec l’appui du Lions Club. Aujourd’hui, on compte une centaine de bibliothèques sonores qui sont des établissements de l’Association des Donneurs de Voix (ADV) répartis sur l’ensemble du territoire. Elles prêtent gratuitement aux empêché·e·s de lire des livres et des revues audio enregistrés par ses bénévoles donneur·euse·s de voix. Reconnue d’utilité publique en 1977, l’ADV est officiellement associée au service public de la lecture et de la culture pour les personnes dont le handicap d’empêchement est attesté. 

Les enregistrements originellement effectués sur minicassettes se font maintenant sur PC à l’aide du logiciel libre Audacity, offrant ainsi une bien meilleure qualité sonore. 

Les Bibliothèques Sonores proposent désormais un catalogue de plus de 80 000 titres, dont des ouvrages de littérature scolaire étudiés en cours et 30 titres d’audio-revues enregistrées à chaque parution.  

En 2010, l’ADV a créé un Prix Littéraire National de l’Audiolecture (P.L.N.A.) avec le soutien d’Hélène Carrère d’Encausse (1929-2023), qui récompense un premier ou second roman d’un·e auteur·e français·e vivant en France et n’ayant pas reçu de prix littéraire significatif. La 14e édition (2024) a couronné Anthony Passeron pour son roman Les Enfants Endormis, paru aux éditions du Globe. 

Une mission d’inclusion
L’Association des Donneurs de Voix a pour philosophie de promouvoir l’accès à la culture et à l’information pour tous. Sa mission est ainsi d’offrir aux personnes atteintes de déficiences sensorielles, physiques ou cognitives un moyen de s’ouvrir au monde, s’instruire, s’évader et se divertir malgré leurs difficultés.  

Les « empêché·e·s de lire », tous âges confondus, ce sont aussi bien les personnes touchées par la cécité¹ que celles en situation de handicap moteur ayant du mal à réaliser des gestes précis, comme tourner les pages d’un livre, ou encore celles souffrant d’un trouble de la lecture et des apprentissages (dyslexie, dyspraxie, dysphasie, dysorthographie…). Bénéficier de l’audio lecture, « c’est une véritable bouffée d’air frais, une ouverture vers de nouveaux horizons qui transcende mes limites physiques », déclare Laura² , qui souffre d’un handicap moteur depuis sa naissance.  

Afin d’éviter le décrochage scolaire et de faciliter l’intégration des plus jeunes, l’ADV propose « en adaptation scolaire » les versions audio des titres étudiés en classe, dans les éditions demandées par les enseignants. Une maman témoigne³ : « … mon fils est dyslexique et cela rend la lecture des livres de littérature scolaires très difficile pour lui. Grâce aux Bibliothèques Sonores de France, il a maintenant accès aux enregistrements audio des livres de littérature scolaire pour l’année en cours. Cela lui permet de suivre les cours et de comprendre le contenu malgré ses difficultés de lecture. Cela a considérablement amélioré sa confiance en lui et sa motivation à apprendre. Je suis profondément reconnaissante envers cette initiative qui offre des opportunités égales d’apprentissage aux enfants dyslexiques. » 

Pionnières de l’accessibilité vocale, les Bibliothèques Sonores de France repoussent les frontières de l’inclusion. Associées à des plateformes telles que Voxiweb⁴ , elles offrent une expérience de lecture en streaming moderne et dynamique, donnant accès à la diversité littéraire. Enfin, la création du P.L.N.A., qui permet aux membres d’un jury d’audiolecteur·trice·s⁵ d’exprimer leurs choix littéraires, met en lumière la raison d’être de l’ADV, à savoir favoriser l’inclusion culturelle pour tous.  

Être donneur∙euse de voix
Il existe deux catégories de bénévoles au sein de l’ADV : les donneur·euse·s de temps, qui animent les bibliothèques sonores, et les donneur∙euse∙s de voix, catégorie à laquelle j’appartiens et que je souhaite présenter ici.  

Quels pré-requis ? Tout d’abord, aimer la lecture et avoir envie de faire partager cette passion. Ensuite, être prêt·e à consacrer du temps à la lecture à haute voix qui est une tâche longue : une durée d’écoute d’une heure, par exemple, nécessite environ quatre heures de travail. 

Sauf défaut particulier tel que zézaiement ou bégaiement, le timbre de la voix n’est pas un critère : toutes les voix conviennent à l’enregistrement d’audiolivres. C’est la qualité de la lecture, la capacité à faire comprendre le sens du texte, qui est primordiale. Néanmoins, le·la donneur·se de voix ne doit pas se muer en comédien·ne. S’il ne faut surtout pas lire avec un ton monocorde, il ne faut surtout pas non plus « surjouer » le texte, afin de laisser l’imaginaire de l’audiolecteur·trice s’approprier le récit et les personnages. L’exercice peut se révéler parfois périlleux ! 

Le·la donneur·se de voix utilise son ordinateur personnel dont il maîtrise l’utilisation et doit être capable de travailler en autonomie. Il·elle doit également posséder un micro de qualité et un casque. 

La décision est prise. Le·la futur·e donneur·se de voix prend contact avec une bibliothèque sonore près de chez lui·elle. Après validation des pré-requis, il·elle reçoit une formation sur le logiciel Audacity afin d’être capable de fournir un enregistrement parfait sur le plan sonore et conforme aux normes⁶ ou d’adaptation scolaire. Quelques enregistrements tests plus tard…. 

…c’est parti ! Le·la donneur·se de voix soumet à l’autorisation de l’ADV un livre qu’il·elle souhaite enregistrer, soit en le sélectionnant dans une liste d’ouvrages demandés par les différentes bibliothèques sonores, soit de sa propre initiative, et doit attendre le feu vert pour commencer. Charte de qualité en main, qui formalise les règles nécessaires à la bonne conduite des enregistrements, le travail peut débuter.  

Chaque séance⁷ doit suivre une procédure stricte pour assurer la qualité : enregistrement initial ; écoute de la piste enregistrée et correction des erreurs (bafouillages, mots sautés ou ajoutés…)  ; ajustements techniques : lissage, égalisation, suppression des bruits de fond et des respirations trop fortes. L’ouvrage à lire terminé, il reste à calculer la durée totale d’écoute (information communiquée aux futur·e·s audiolecteur·trice·s), enregistrer la piste de présentation (l’équivalent d’une quatrième de couverture d’un ouvrage imprimé) qui sera insérée dans le catalogue des ouvrages téléchargeables et livrer l’ensemble des fichiers par Internet. 

Pour conclure, je souhaite simplement dire que la lecture à voix haute destinée aux Bibliothèques Sonores est une activité bénévole prenante, gratifiante, bien que pas toujours simple, notamment lorsqu’il s’agit de traiter les notes et les index, de « lire » des illustrations, des cartes ou des tableaux… « Donner sa voix », c’est faire rimer passion et attention, c’est un autre nom du partage. 

Pour en savoir plus et/ou devenir donneur·se de voix 

Site Internet de l’ADV : https://lesbibliothequessonores.org/ 

L’Association des Donneurs de Voix sur France Info : https://www.francetvinfo.fr/replay-radio/tout-public/rentree-litteraire-dialogue-entre-l-ecrivain-mathieu-palain-et-sylviane-bailbe-lectrice-malvoyante_6753871.html  

 

Isabelle Cidère-Giard
Master 2 EAD – Histoire et sciences sociales du politique
Sous la direction de Julie Le Gac.

1. La cécité désigne l’absence partielle ou totale de vision, due à une atteinte des yeux ou du cerveau. Elle peut être congénitale ou acquise. Source : https://www.elsan.care/fr/pathologie-et-traitement/maladies-des-yeux/cecite-symptomes-causes. [↩]
2. Témoignage publié dans la plaquette de présentation de l’ADV, dans son édition de juillet 2024. [↩]
3. Ibid. [↩]
4. Développé par une start-up nantaise, Voxiweb propose aux personnes aveugles ou malvoyantes un outil pour accéder en toute autonomie à du contenu Internet riche et varié via un ordinateur, un smartphone ou une tablette.
   Voxiweb, c’est d’abord un site Internet décliné en deux versions : l’une adaptée aux lecteurs d’écran et l’autre avec synthèse vocale intégrée. Sur l’ordinateur, Voxiweb se contrôle avec cinq touches du clavier. Les contenus récupérés en temps réel sur les sites Internet sont nettoyés d’éléments inutiles, et présentés de manière structurée.  Voxiweb est également une application gratuite iOS et Android. Source : https://ecoledelapomme.ch/trucs-et-astuces/voxiweb-linternet-accessible-a-tous/ [↩]
5. Le jury est composé d’audiolecteur·trice·s qui se portent volontaires. En 2024, 396 audiolecteurs répartis dans 61 bibliothèques sonores en France ont, en leur âme et conscience, fait leur choix parmi trois titres sélectionnés, à lire dans un temps contraint. [↩]
6. DAISY (Digital Accessible Information SYstem) est un standard international particulièrement adapté aux personnes empêchées de lire. Il propose une accessibilité augmentée au sein d’un ouvrage sonore. Il offre six niveaux de navigation permettant, par exemple dans un livre audio, de naviguer de partie en partie, de chapitre en chapitre, de sous-chapitre en sous-chapitre, etc. Mais il permet aussi de naviguer de phrase en phrase, de placer des marque-pages, de reprendre la lecture à l’endroit où elle a été arrêtée auparavant, d’accélérer ou de ralentir le rythme. Un ouvrage en DAISY est composé de fichiers audio (mp3 la plupart du temps) et peut donc être écouté sur n’importe quel appareil lisant ce format.  [↩]
7. L’étape d’enregistrement proprement dit ne doit pas durer plus de 1 h à 1 h 30. Au-delà la voix se fatigue, la concentration baisse et l’on bute davantage sur les difficultés du texte. [↩]

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