Archives par mot-clé : Histoire culturelle

Xavier Dumoulin. Le cheval dans l’art paléolithique du Grand Sud-Ouest de la France 

L’extraordinaire statuette en grès de cheval agenouillé, 26 cm de long, découverte en 1961, à l’abri Duruthy de Sorde-l’Abbaye dans les Landes 1  , représentée ci-dessus 2  constitue le plus grand objet d’art du mobilier paléolithique du Magdalénien connu 3  . Elle surclasse ces figurations d’équidés des stations magdaléniennes des pays de l’Adour. D’autres chevaux de l’art pariétal paléolithique ornent des grottes du Sud de la France et de l’Espagne pyrénéenne et atlantique. Ces importants chefs-d’œuvre sculptés ou peints s’offrent aux amateurs d’art. Les figurations équines restent en bonne place dans cet ensemble. Quel peut-être le sens de cette imagerie des temps préhistoriques? Cette petite revue de littérature ne pouvant qu’ébaucher des réponses, veut surtout illustrer des approches adaptées à ces temps reculés hors de l’Histoire. Une invitation à une découverte d’un patrimoine et de sites que les historiens, les amateurs d’art et de chevaux ne sauraient ignorer.   Continuer la lecture de Xavier Dumoulin. Le cheval dans l’art paléolithique du Grand Sud-Ouest de la France 

  1.   Simonet Aurélien, « Le trésor préhistorique de l’abbaye d’Arthous », Le festin N°113, avril 2020 (avril 2020).  []
  2.    Sous la direction scientifique de Morgane Dachary, Docteur en Préhistoire, Les Magdaléniens à Duruthy, Centre départemental du Patrimoine, 2006., reproduction «sculpture en grès cheval agenouillé» p 186.  []
  3.   Le Magdalénien est une tradition culturelle du paléolithique supérieur daté entre 21000 et 14000 avant le présent.  []

Emma Pianaro. Compte rendu d’article. Šterbenc Erker Darja : « Voix dangereuses et force des larmes : le deuil féminin dans la Rome antique », Revue de l’histoire des religions, n°3, 2004, p. 259-291.

« La nature a fait en sorte que nous ne puissions pas vivre avec elles de manière particulièrement confortable, mais nous ne pouvons pas du tout vivre sans elles », dit Auguste à propos des femmes, en citant Metellus Numidicus 1  . Cette citation illustre bien toute la complexité du rôle que jouent ces dernières dans la société romaine, souvent dépréciées mais néanmoins influentes dans la vie de la cité. Darja Šterbenc Erker, agrégée slovène et spécialiste des études de genre et des femmes, étudie dans son article « Voix dangereuses et force des larmes : le deuil féminin dans la Rome antique » le deuil par le prisme féminin, lequel leur confère une certaine importance et un pouvoir dans une société romaine pourtant patriarcale. Actuellement assistante de recherche à l’Institut de philologie classique de l’Université Humboldt de Berlin, l’autrice a rédigé de nombreux articles en français et en allemand, notamment sur son sujet de prédilection, tel que « Les pratiques religieuses des matrones dans la Rome ancienne : les Jeux séculaires sous Auguste et sous Septime Sévère » 2  . La démarche dErker s’inscrit dans une approche novatrice représentée par les “Gender Studies“, un concept né aux États-Unis dans les années 1970, qui propose de repenser les rapports hommes/femmes tout en donnant une voix au mouvement féministe. À la fois histoire sociale et histoire religieuse, l’autrice s’appuie sur un savant mélange de sources anciennes (textes d’auteurs tels que Plutarque, Cicéron, Tite-Live…) et de sources contemporaines (ouvrages, articles d’Egon Flaig, Nicole Loraux…) afin d’affiner son analyse et de démontrer que « le deuil peut tout autant marginaliser les femmes que les valoriser » 3  . Darja Šterbenc Erker délimite son étude entre le dernier siècle de la République et les deux premiers siècles de l’Empire, en se concentrant uniquement sur l’aristocratie romaine. Il aurait cependant été intéressant d’élargir le thème du deuil à la plèbe, qui constitue une grande partie de la société romaine. Trop peu abordée dans les études actuelles, comme dans celles plus anciennes, la plèbe aurait permis d’élargir davantage l’horizon de recherche. 

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  1.   Cartwright Mark, « Le Rôle des Femmes dans le Monde Romain », Encyclopédie de l’Histoire du Monde, 2014.  []
  2.   Šterbenc ErkerDarja. « Les pratiques religieuses des matrones dans la Rome ancienne: les Jeux séculaires sous Auguste et sous Septime Sévère »Religion sous contrôle: pratiques et expériences religieuses de la marge? (2016), p. 97-115.  []
  3.   Šterbenc Erker, Darja. « Voix dangereuses et force des larmes : le deuil féminin dans la Rome antique. » Revue de l’histoire des religions, n°3 (2004), p. 259.  []

JOAN ORTEGA ARDILA. NOURRITURE ET PREMIÈRES RENCONTRES EN AMÉRIQUE : QUAND LES SENS AIDENT À «  DÉCOUVRIR  LE NOUVEAU MONDE »

6 novembre 1492. Colomb et ses marins explorent la côte de l’actuelle province d’Holguín, à Cuba. Ils rencontrent de nouveau des Taïnos, semblables à ceux aperçus à leur arrivée à Guanahaní le 12 octobre. Bartolomé de Las Casas rapporte cet extrait du journal de l’Amiral : 

Ils virent plusieurs espèces d’arbres, d’herbes et de fleurs odoriférantes. Ils virent des oiseaux très différents de ceux d’Espagne […] La terre est très fertile et très cultivée en mames, féveroles et fèves différentes des nôtres 1  . 

Bien que cette scène semble anodine, elle illustre des concepts clés de l’époque moderne : l’exploration européenne de l’Amérique, ainsi que la rencontre avec les différents peuples amérindiens. Elle est l’un des nombreux témoignages des premiers contacts vécus par les Européens aux divers endroits du continent. À titre de comparaison, voici ce qu’écrivait Laudonnière en 1565 au sujet de la Floride : 

Le pays est plat, découpé de plusieurs rivières, pour ceste cause, humide […] Il y a une sorte de Mesliers 2  , desquels le fruit est meilleur que celuy de France, et plus gros […] une grosse graine que nous appelons entre nous bleues, qui sont fort bons à manger 3  . 

Qu’ont en commun ces deux textes ? Il s’agit de témoignages qui évoquent les souvenirs des premiers moments de l’arrivée des Européens en Amérique où on voit deux explorateurs qui s’efforcent de rendre intelligible un monde inconnu, par le prisme de la nourriture. Ces textes nous invitent à nous intéresser aux moyens dont l’homme dispose pour appréhender l’inconnu. Comment découvre-t-on le monde ? La réponse à cette question réside dans la faculté universelle de percevoir les objets matériels par les cinq sens : la vue, l’ouïe, le toucher, l’odorat et le goût. 

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  1.   Colomb Christophe, La découverte de l’Amérique. Journal de bord. 1492-1493, trad. Soledad Estorach et trad. Michel Lequenne, François Maspero, Paris, 1981, vol.1, p. 98.  []
  2.   Dans ce passage, meslier est le terme en ancien français désignant le néflier commun (Mespilus germanica), un arbre fruitier originaire du sud de l’Europe, dont les fruits se consomment à pleine maturité.   []
  3.   Laudonnière René de Goulaine de, « L’Histoire notable de la Floride située ès Indes Occidentales », in Suzanne Lussagnet (dir.), Les Français en Amérique pendant la deuxième moitié du XVIe siècle. Les français en Floride, Presses Universitaires de France, Paris, coll. « Pays d’outre-mer ; colonies, empires, pays autonomes. 2e série, Les classiques de la colonisation 2 », vol.2, 1958, p. 40 27‑164.   []

OLIVIER GUYON. God Wills It ! De la littérature évangéliste à l’épopée médiévale

L’historien du Moyen Âge Philippe Buc s’inscrit ici à rebours de cette formule, aux allures de mantra, qui anime habituellement la recherche en histoire : connaître le passé pour comprendre le présent et construire l’avenir. Et si c’était la connaissance du présent qui nous permettait de mieux comprendre le passé ? Dans cet article1, l’auteur s’essaie donc à un exercice périlleux : comment la réaction du public d’aujourd’hui à une œuvre littéraire contemporaine peut-elle nous aider à comprendre l’impact qu’ont pu avoir des ouvrages, 800 ans plus tôt, dès lors qu’ils présentent des caractéristiques similaires ?

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  1. Buc Philippe, « Evangelical Fundamentalist Fiction and Medieval Crusade Epics », Cahiers de recherches médiévales et humanistes. Journal of medieval and humanistic studies, no 37, 2019, p. 211‑231, [https//doi.org/10.4000/crm.17305] []

Anaïs Bacquet. LES BIJOUX DE SCÈNE DE LA COMÉDIE-FRANÇAISE À L’ÉCOLE DES ARTS JOAILLIER.

L’Ecole des Arts Joailliers a réalisé, en collaboration avec la Comédie-Française, une exposition centrée autour des bijoux de scène. L’ouverture est pour le moment suspendue mais nous avons eu la chance de suivre une conférence privée de la commissaire : la conservatrice-archiviste de la Comédie française, Agathe Sanjuan.  

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Eric Bascle. Équilibre et égalité, une équation médiévale ?

Paru en anglais il y a déjà huit ans, et traduit en français en 2017, L’histoire de l’équilibre de Joel Kaye, professeur au Barnard College de la Columbia University de New York, mérite qu’on y revienne. N’ayant eu qu’un écho limité dans notre pays, l’ouvrage, mélange inédit d’histoire culturelle et d’histoire de la philosophie, constitue pourtant une étude incroyablement stimulante, non seulement pour les médiévistes intéressés par l’étude de la pensée scolastique, mais pour les historiens en général et tous ceux qui s’intéressent aux sciences sociales en général. En effet, comprendre comment les notions d’équilibre et d’égalité se sont construites aux origines de notre pensée contemporaine, en quoi leur relative équivalence a fait l’objet d’une construction historique, et donc en quoi la remise en cause de leurs fondements est toujours possible, semble d’autant plus nécessaire à l’heure du grand bouleversement des équilibres et de l’accroissement des inégalités.

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